René Guénon, dans Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps
(chap. XXXVII), a évoqué la "duperie des prophéties" et leur danger,
accru par les influences psychiques dissolvantes qu’elles véhiculent :
"On ne saurait croire, par exemple, combien de gens ont été
déséquilibrés gravement, et parfois irrémédiablement, par les nombreuses
prédictions où il est question du "Grand Pape" et du "Grand Monarque",
et qui contiennent pourtant quelques traces de certaines vérités, mais
étrangement déformées par les "miroirs" du psychisme inférieur et, par
surcroît, rapetissées à la mesure de la mentalité des "voyants" qui les
ont en quelque sorte "matérialisées" et plus ou moins étroitement
"localisées" pour les faire rentrer dans le cadre de leurs idées
préconçues".
Et Guénon ajoutait que la déformation de ces vérités "se prête à une exploitation "à rebours" dans le sens de la subversion".
Il n’est pour s’en convaincre que d’écouter la "Voix d’en Bas" dont le malheureux Léon Bloy se fit le médium torturé :
"Achevé un roman de Wells, "Quand le Dormeur s’éveillera". C’est l’artifice connu d’un roman songé.
Mais, en raison de la grande valeur intellectuelle de l’auteur, il y a
quelque chose de plus qu’un jeu d’imagination. Il y a le pressentiment
universel d’un Personnage se réveillant d’un long sommeil, c’est-à-dire
obtenant enfin son mandat et se trouvant ainsi, tout à coup, maître du monde. Combien de fois y ai-je pensé". (L'Invendable, le 26 février 1906.)
D’où cette obsédante question formulée dans Le Salut par les Juifs :
"Quand viendra-t-il, Celui-là qui doit venir et qui ne fut sous
Napoléon, que pressenti par le tremblement universel des peuples ?
Il viendra pour Dieu ou contre Dieu, on n’en sait rien".
Nous nous étonnerons toujours que cette équivoque ontologique, que ne
saurait excuser aucune "fureur poétique", n’ait pas fait reculer
d’effroi les admirateurs catholiques du "Mendiant ingrat", dont les
imprudences verbales ne laissent pourtant pas de doute sur la source de
son inspiration :
"Il est tellement l’Ennemi, tellement l’identique de ce LUCIFER qui fut nommé Prince des ténèbres, qu’il est à peu près impossible – fût-ce dans l’extase béatifique – de les séparer...
"Que celui qui peut comprendre comprenne".
Nous comprenons trop bien pour notre part que le "Consolateur en exil"
de Bloy n’a rien de catholique ! De fait, si l’on excepte une
attribution totalement apocryphe à saint Augustin (trahie par des
anachronismes grossiers) et des manipulations de textes non moins
évidentes dont fut entre autres victime saint Remy lui-même, c’est à
Nostradamus qu’on doit attribuer la paternité de ce courant
"prophétique" qui allait dangereusement polluer l’imaginaire de
catholiques crédules et oublieux du "discernement des esprits".
Comme par hasard, Nostradamus reçut une partie de son inspiration lors
de voyages en Lorraine, en Alsace et en Allemagne, où se multipliaient
les communautés pseudo-"hermétiques" les plus suspectes, dont les
échanges avec l’Angleterre allaient bientôt se "cristalliser" en une
internationale anti-catholique attachée en particulier à détruire ce qui
subsistait du Saint-Empire.
Si l’on sait que le "Roy perdu" (désignation "poétique" du Grand
Monarque attendu) est censé régner sur un territoire élargi aux limites
de l’ancien Empire romain, on comprendra que la récupération frauduleuse
de l’Idée impériale relève de ce symbolisme inversé qui constitue la trame de la geste "grand-monarchiste".
Car la fonction du véritable Imperator eschatologique – ici "rapetissée"
et étroitement "localisée", comme le disait Guénon, par un roi de
France "expansionniste" - concerne en réalité l’ensemble de la planète.
Dès lors, la fausse résurrection d’une entité qui ne fut, dans
l’Antiquité avec l’Empire romain, ou au Moyen Age avec le Saint-Empire
romain germanique (beaucoup plus germanique que romain d’ailleurs...)
qu’une très partielle et très imparfaite préfiguration de l’Emperium de
la Fin des Temps, est bien le fruit d’un littéralisme mortifère. Avec
tout ce que cela implique dans le sens de cette exploitation "à rebours"
dénoncée par Guénon.
On devrait le savoir depuis que de sinistres nécromants, héritiers à
leur façon des "inspirateurs de Nostradamus", ont évoqué le spectre
grimaçant d’un Empire défunt. Et il faut hélas constater que certains se
laissèrent abuser par cette inversion diabolique incarnée par ces
"Golem" que furent Mussolini et surtout Hitler. Aveuglement qui suscite
une légitime inquiétude quant à la réaction de leurs descendants – nous
voulons dire bien sûr : de ceux qui appartiennent à la même "famille
d’esprit" - face à une "séduction" plus redoutable encore puisqu’elle
visera les âmes.
Voilà une nouvelle raison de nous pencher sur les débuts de cette
perversion de l’Idée impériale que viendra...couronner le Grand
Monarque.
Au moment où Nostradamus pérégrine en Allemagne, le souvenir et
l’influence du très inquiétant Cornelius Agrippa de Nettesheim
(1486-1533) – auteur de la célèbre Philosophie occulte – sont
perpétués par ces "Communautés de Mages" qu’il avait fondées en 1506.
Lui-même étant le disciple de Trithème (1462-1516), bénédictin dévoyé
qui commença à pervertir très significativement cette légende des Francs
dont il a été question ici même il y a quelque temps. (Histoire
Mythique de la France).
De surcroît, son Traité des Causes secondes présente avec la "philosophie" des Centuries
nostradamiques de troublantes analogies. Jean Trithème était de fait
très représentatif du climat d’intense effervescence "occulto-humaniste"
où s’ébauchait déjà le pseudo-universalisme (et authentique syncrétisme
!) unissant pour le pire : Judaïsme, Christianisme et "paganisme".
Paracelse (1493-1541), autre élève de Trithème, était encore de ce monde
à l’époque où Nostradamus voyageait en Allemagne, et peut-être celui-ci
se souvint-il que ce peu orthodoxe thérapeute avait, comme lui, étudié
la médecine à Montpellier.
Or Paracelse – de son vrai nom Théophraste Bombast von Hohenheim – ne
dédaignait pas, lui aussi, de vaticiner, faisant entre autres référence à
un trésor caché "entre la France et l’Espagne" (chez Nostradamus
également, un trésor est associé au Grand Monarque), et annonçant pour
la fin des temps la venue d’un très problématique "Lion de Minuit", que
l’on ne risquait pas de confondre avec le "Lion de Juda".
En un mot, Nostradamus était en pays de connaissance dans cette
Allemagne sur laquelle commençait de s’étendre la grande ombre de l’Idée
impériale pervertie, qui s’incarnerait un jour dans le IIIe Reich...en
attendant pire.
Et encore n’avons-nous rien dit du sulfureux docteur Faust (1480-1550),
figure emblématique des grandes tendances de l’époque, dont Goethe, pour
sa part, ne semblait pas douter qu’il eût connu Nostradamus.
Toujours sur la piste du Grand Monarque, on retiendra le séjour de
Michel de Nostredame à l’abbaye ardennaise d’Orval, située dans l’actuel
Luxembourg belge et rendue célèbre dans les milieux grands-monarchistes
par la "Prophétie d’Orval" divulguée à la Révolution dans un cercle
d’émigrés français.
Une enquête menée par l’archevêché de Bordeaux, à la suite d’une
condamnation de la prétendue prophétie par l’évêque de Verdun, permit
d’établir que le texte datait de la première moitié du XVIe siècle
(siècle qui vit également la fabrication de fausses prophéties
attribuées à de respectables – voire, de saints personnages), et était
donc antérieur de quelques années aux Centuries de Nostradamus.
Leur commune référence au Grand Monarque, ce "jeune prince" quittant l’
"île de la captivité", n’en rend que plus suspect le séjour à Orval de
Michel de Nostredame.
Celui-ci, consciemment ou non, semblait transformer en un "666" à peine voilé (le "nombre de la bête" dans l’Apocalypse), le mystérieux "515" attendu par Dante, le "cinquecento diece e cinque,
messo di dio...", l’Imperator eschatologique "envoyé de Dieu, qui tuera
la Rapace et le géant qui fornique avec elle" (Purgatoire, XXXIII,
43-45).
Dans la Divine Comédie, au contraire, ces deux nombres s’opposent
directement, tout comme le Veltro (le Lévrier), autre désignation du
515, s’oppose à la louve, ancien symbole de Rome, mais dont la face
obscure l’assimile ici à la bête apocalyptique. (cf. René Guénon,
l’Ésotérisme de Dante).
Virgile, de son côté, avait fait de "666" le "chiffre de César", mais il
s’agissait en l’occurrence de l’aspect bénéfique de ce nombre solaire
qui comme tout symbole est ambivalent. C’est bien pourquoi suivant saint
Hippolyte, le Messie et l’Antéchrist ont tous deux pour emblème le
lion, autre symbole solaire.
Mais avec Nostradamus, c’est bien de l’aspect maléfique du "666" qu’il
s’agit. Car, nous l’avons dit, l’histoire du Grand Monarque n’est que la
parodie et le "rapetissement" aux dimensions de la royauté française,
d’un thème universel, celui du précurseur qui annoncera le véritable
Saint-Empire, le Royaume de Dieu sur terre, et jouera ainsi
analogiquement à l’égard du Christ glorieux, le rôle de saint Jean
Baptiste à l’égard de Jésus de Nazareth.
Car : "Élie vient et il va tout restaurer. Toutefois, je vous le dis,
Élie est déjà venu, et ils ne l’ont pas reconnu...Alors les disciples
comprirent qu’il leur avait parlé de Jean le Baptiste." (saint Matthieu,
17, 11-13).
Or, comme le souligne Jacques Thomas (La signification symbolique de la Visitation),
"‘ eth ‘ Eliâh hanâbî’" (Élie le Prophète) vaut 515 en valeur simple,
[selon la Guématria, science de la valeur des lettres], ce qui le met en
rapport avec Shaddaï (Tout-Puissant)."
Mais pour l’heure, nous n’en avons pas encore fini, hélas, avec le "666"
et ses précurseurs. Au-delà de ses pérégrinations germaniques, c’est
dans un autre terroir chargé de réminiscences impériales – la Provence –
que Nostradamus puisa l’essentiel de son inspiration. Pour l’anecdote,
la région et son histoire était bien propre à envelopper d’une captieuse
poésie le ténébreux message du "Mage de Salon" (de Provence...)Et,
poésie pour poésie, ses actuels commentateurs seraient bien...inspirés
d’écouter l’avertissement de Toulet :
"Dans Arles où sont les Aliscamps
Quand l’ombre est rouge sous les roses
Et clair le temps
Prends garde à la douceur des choses."
L’ancienne Provincéa romaine, si chère au "bon roi René" dont nous allons reparler, est en effet omniprésente dans les Centuries et le sigle D M (Diis Manibus,
"consacré aux Dieux Mânes"), constitue une clef des prophéties, dans
lesquelles la découverte de la tombe d’un "Grand Romain" revêt en outre
une importance décisive, concurremment avec celle d’un "trésor".
Cette thématique de la tombe et du trésor, on ne s’en étonnera pas, a
été récupérée par les mystagogues de Rennes-le-Château, autre haut lieu
du "grand-monarchisme" dont nous allons également reparler.
Cela étant, de même que le Grand Monarque n’est que l’ombre portée d’un
tout autre personnage, de même est-il loisible de penser que cette
exploitation frauduleuse de symboles impériaux témoigne, a contrario, de
la pérennité du véritable Imperium, "surplombant" depuis le ciel des
archétypes platoniciens notre histoire crépusculaire.
Quant au Grand Monarque nostradamico-intégriste, il devra se contenter
de parachever en quelque sorte la politique subversive de certains rois
de France, tel Philippe le Bel ou François Ier, dont les visées, au
demeurant plus impérialistes "qu’impériales", témoignaient – par cette
usurpation et cette profanation de la fonction eschatologique de la
France – de leur arrogante incompréhension des desseins de la
Providence.
Comme il n’y a rien de nouveau sous le soleil de Satan, cette
"politisation", cette paradoxale idolâtrie du temporel qui caractérise
aujourd’hui les intégristes grands-monarchistes, prétendus gardiens du
Dogme religieux, est jugée dans ce passage de l’Ancien Testament qu’il
convient de rappeler :
"Tous les anciens d’Israël s’assemblèrent et vinrent vers Samuel à Rama.
Ils lui dirent : Voilà que tu es vieux, et tes fils ne marchent pas sur
tes traces ; établis donc sur nous un roi pour nous juger, comme en ont
toutes les nations."
"Ce langage déplut à Samuel, parce qu’ils disaient : Donne-nous un roi
pour nous juger" ; et Samuel pria Jéhovah. Jéhovah dit à Samuel :
"Écoute la voix du peuple dans tout ce qu’il te dira ; car ce n’est pas
toi qu’ils rejettent, c’est moi, pour que je ne règne plus sur eux.
Comme ils ont toujours agi à mon égard depuis le jour où je les ai fait
monter d'Égypte jusqu’à présent, me délaissant pour servir d’autres
dieux, ainsi ils agissent envers toi. Et maintenant, écoute leur voix ;
mais dépose témoignage contre eux, et fais-leur connaître comment le roi
qui régnera sur eux les traitera. » (Ier Livre de Samuel, 8, 4-9)
Pour mesurer l’abîme qui sépare le Grand Monarque des chapelles
intégristes, grand pourfendeur de musulmans et "convertisseur" de juifs
devant l’Eternel, du "515", du Veltro dantesque, héraut de la
catholicité au vrai sens du mot, examinons un manuscrit enluminé du Livre du Cœur d’amour épris (Bibliothèque nationale de Vienne), écrit par René d’Anjou, le "bon roi René" évoqué à l’instant.
Dans ce manuscrit, une miniature représente la figure symbolique de
l’Amour, dont l’habit s’orne d’un large galon brodé d’or sur lequel on
lit en caractères neski (calligraphie spécifiquement persane) :
"le dixième jour du mois de Moharem", soit le premier jour de l’année
des Persans chiites, qui pleurent la mort d’Ali, le gendre du Prophète,
et de ses deux fils Hussein et Hassan. Il se trouve en outre, que la
figure du Mahdi, le "bien dirigé", qui n’est autre que l’identité islamique du Veltro, est très présente dans le Chiisme, où il est aussi attendu comme l’ "Imam caché".
Quel témoignage plus probant peut-on souhaiter, des relations entre
vrais spirituels islamiques et chrétiens, par-delà les oppositions et
les conflits dont l’Histoire profane conserve seule la mémoire. Nous
sommes là au cœur de l’économie providentielle…et aux antipodes de
cette pseudo-Mission divine de la France revue et corrigée par le marquis de la Franquerie, qui en décrit ainsi l’"apothéose" :
"Il sera donné au Grand Roi, annoncé par tant de prophéties, d’en
assumer le triomphe par la dernière croisade qui détruira à tout jamais
la secte de Mahomet et libérera les Lieux Saints, "où, après un règne
des plus glorieux, il ira à Jérusalem, sur le Mont des Oliviers déposer
sa Couronne et son Sceptre."
Certes, les "prophéties" n’avaient pas...prévu le nouveau contexte
politique, mais les intégristes naguère encore fort hostiles au
Judaïsme, se sont trouvé depuis la guerre d’Algérie des affinités avec
les sionistes, tant il est vrai que les ennemis de mes ennemis sont
toujours plus ou moins mes amis...
Ajoutons d’ailleurs que du côté musulman, les caricatures ne manquent pas non plus (on s’en serait douté !), et que le Mahdi est destiné aux yeux de certains fondamentalistes, à faire triompher l’Islam sur les ruines fumantes des autres religions.
C’est sans doute pourquoi, à l’intention de tous ceux à qui la vérité semblera toujours trop haute, un hadith
professe "qu’il n’y a de Mahdi que Jésus fils de Marie". Autre façon,
en somme, de ne pas jeter les perles aux pourceaux, et d’empêcher la
trahison anticipée d’un envoyé d’Allah.
Quant aux sionistes, qui manifestent à l’égard du Judaïsme la même
ignorance que les islamistes radicaux à l’égard de L’Islam, on leur
rappellera avec Emmanuel Lévyne (Judaïsme contre Sionisme) que "l’Etat
d’Israël, en se déclarant souverain, a détrôné l’Eternel."
"Car ainsi parle l’Eternel :
"C’est gratuitement que vous avez été livrés, et ce n’est pas avec de l’argent que vous serez délivrés." (Isaïe, 52, 3).
Et encore : "Je les sauverai par l’Eternel, leur Dieu, et je ne les
sauverai ni par l’arc, ni par l’épée, ni par les combats, ni par les
chevaux, ni par les cavaliers." (Osée, 1, 7)
De fait, le Talmud est sans équivoque, qui affirme à la page 111a du
traité Ketoubote, que Dieu a fait prêter plusieurs serments à Israël,
notamment de ne pas se révolter contre les nations et de ne pas
retourner collectivement et par la violence en Palestine
avant la venue du Messie, et que toute transgression de ces serments
provoquerait des catastrophes terribles, des exterminations et des
massacres.
Parallèlement, les sionistes ont oublié, s’ils l’ont jamais su, qu’il
existe deux terres d’Israël, comme le rappelait le Grand Rabbin Jonathan
Eybeschütz (1690-1764) :
"[...] il y a la terre d’Israël d’en haut et il y a la terre d’Israël
d’en bas. La première est appelée "adama", la seconde est appelée
"eretz". La Terre Sainte, c’est la Terre céleste où il y a le palais
divin d’où se répandent les sources de la sagesse. C’est cette terre
spirituelle qui a été promise et donnée à nos ancêtres et non la terre
matérielle."
Et les juifs fidèles à leur tradition savent également quel est le futur
réceptacle, justement, de cette terre spirituelle : la France, qu’ils
nomment Tsarfat. C’était aussi le nom d’une cité phénicienne –
l’actuelle Sarafand – établie sur un promontoire au sud de Sidon, et que
les bibles usuelles appellent Sarepta. Le prophète Élie y fut hébergé
par une veuve dont il ressuscita le fils, et à qui il promit que la
farine et l’huile ne lui manqueraient pas avant la fin de la sécheresse.
(I Rois, 17, 7-24).
Cette farine est à n’en pas douter identique à celle dont le Christ a dit (Matthieu, 13, 33) :
"Le Royaume de Dieu est semblable à du levain qu’une femme a pris et mis
dans trois mesures de farine jusqu’à ce que la pâte soit toute levée."
Mais cette apothéose a un prix : Tsarfat est également associé par
l’étymologie à l’idée de creuset (tsarphit) et au verbe tsaraph :
fondre, affiner, éprouver et purifier par le feu.
Seule cette transmutation alchimique peut en faire ce réceptacle de la
Gloire messianique, qui est l’exact contraire du "royaume du Grand
Monarque"...
C’est bien pourquoi, à l’image de leurs frères chrétiens et musulmans,
les juifs éclairés attendent le Précurseur du Messie fils de David, le
515 ou le Mahdi, qu’ils nomment quant à eux le "Grand Prophète". Il
reviendra "dans l’esprit de Moïse" - présent, ne l’oublions pas, lors de
la Transfiguration du Christ – et autour de lui "se rassembleront
(yiqehath) les peuples", yiqehath ayant pour valeur numérique 515, comme
le rappelle encore Jacques Thomas…
D’ores et déjà, cette commune attente, fruit de leur reconnaissance de
la Catholicité stricto sensu, permet à tous les fils de la Promesse de
cohabiter fraternellement, là où les idéologies modernes leur
commanderaient de se combattre. Ainsi que l’écrit Ruth Blau, la digne
épouse de Rav Amram Blau, de sainte mémoire :
"L’analyse que font les sionistes des Arabes est une aberration pour un
juif orthodoxe qui, comme mon mari, est né dans la vieille ville de
Jérusalem au début du siècle. [...] On a transformé les Arabes en une
sorte d’ennemi universel du peuple juif, disait Rav Amram. Cela est
complètement faux. Juifs et Arabes vivaient en paix côte à côte jusqu’à
ce que les Anglais, puis les sionistes jugent qu’il était dans leur
intérêt de semer la discorde."
(Cité par Yakov M. Rabkin, Au nom de la Torah. Une histoire de l’opposition juive au sionisme.)
Que cette discorde, d’une façon générale, soit le fait, non pas des
religions, comme il est de mode de le dire, mais bien de leur
incompréhension, et de leur transgression, cela résulte clairement, et
on ne le répétera jamais assez, de la fonction de ce "Consolateur", de
ce Précurseur du Christ glorieux qu’elles attendent toutes, et qui
appellera à leur fusion sans confusion dans l’arche salvatrice de la
Catholicité.
Et à cet égard, si le "bon roi René" nous a déjà édifiés, par manuscrit
interposé sur les relations islamo-chrétiennes "au sommet", en ce XVe
siècle encore voué à l’"obscurantisme religieux" par l’idéologie
moderne, il nous reste à savoir que ce haut personnage était membre de
l’Ordre de la Fidélité fondé par son grand-oncle, Ordre dont l’emblème
était...un lévrier.
Évident continuateur des Fidèles d’Amour chers à Dante, René d’Anjou
attendait donc lui aussi le Veltro annoncé par l’auteur de la Divine
Comédie...et par l’Ancien Testament, puisque le Grand Prophète y est
préfiguré sous cette même identité symbolique. Nous voulons parler de
Caleb – qui signifie "chien" - le seul des douze éclaireurs envoyés par
Moïse à croire possible la conquête de la Terre Promise. (Nombres, 13,
30)
Ajoutons que la clef de cette Terre promise était Jéricho (Josué, 2,
1-24), résidence de Rahab la "prostituée" - dont une tradition fait
l’épouse de Josué, lui-même figure du Messie. Rahab est en outre l’une
des quatre femmes mentionnées dans la généalogie du Christ avec
Bethsabée, Thamar la cananéenne et Ruth la Moabite. (saint Matthieu, 1, 5
; cf 3 et 6.)
Les deux espions d’Israël envoyés par Josué et abrités par Rahab
évoquent quant à eux les deux témoins, les deux oliviers qui viendront
avant la fin des temps dans l’esprit d’Elie et d’Hénoch (Zacharie, 4,
2-3 ; Apocalypse, 11), et qui sont précisément les "inspirateurs" du
"Seigneur de la Terre", c’est-à-dire du Grand Prophète, du Mahdi (le
"Bien Dirigé"...), du "515" ou du Veltro.
Rappelons une fois encore que lors de la Transfiguration, Élie et Moïse
s’entretiennent avec le Christ sur la montagne (saint Matthieu, 17,
1-9), et que Pierre, dans ce contexte eschatologique, prophétise
l’universalisme conciliaire, lui-même ouvert sur la Catholicité, en
s’adressant à Jésus en ces termes : "Seigneur, il nous est bon d’être
ici ; si tu veux, je vais y dresser trois tentes, une pour toi, une pour
Moïse et une pour Élie."
Ce sont les deux témoins qui suggèrent à Rahab de laisser pendre à sa fenêtre un fil rouge,
signe de reconnaissance destiné aux Hébreux lorsqu’ils pénétreront dans
la ville (Josué, 2, 18-21). Fil rouge qui apparaît comme la "voie du
Seigneur". C’est pourquoi le Cantique des cantiques compare à un "fil
d’écarlate" les lèvres de la Fiancé attendant l’Epoux, sous le signe
d’un nombre qui nous est devenu familier puisque :
"Comme un jeune homme épouse une vierge, ton constructeur
t’épousera...On t’appellera Désiré (derûshâh = 515)." (Isaïe, 62, 5 et
11-12.)
Ce fil, cet axe, est bien sûr étroitement associé aux idées de justice
et de droiture, et donc à l’image de Dieu. "Car YHVH est droit, yâshâr."
(Psaumes, 92, 16.)
C’est à cette rectitude ( hâyâshâr = 515 ) que conduit la conversion de
l’âme "non-droite" (lo’- yâshrâla) (Habacuc, 2, 4) et qui doit redevenir
image de Dieu. (Cf. Jacques Thomas, Op.cit)
Récapitulons cette constellation symbolique : une "prostituée" épouse
d’un personnage messianique, un fil rouge donnant accès à la Terre
Sainte. Voilà une étrange préfiguration des ténébreux mystères de
Rennes-le château, auquel Dan Brown a donné une publicité planétaire, et
qui se présentent bel et bien comme l’inversion, la caricature
grimaçante de l’"archétype" biblique, tout comme le Grand Monarque
parodie grossièrement le 515.
Le fil rouge, ici, sera bien sûr le méridien de Paris, dont tout le
monde peut voir la matérialisation dans l’église Saint-Sulpice, qui sert
de cadre à bien des "profanations" littéraires. Quant au mariage
supposé de Rahab et de Josué, il trouve son reflet blasphématoire dans
les prétendues épousailles de Jésus et de Marie-Madeleine, autre
"pécheresse" célèbre, omniprésente à Rennes-le-Château, où on lui a fait
jouer de force, dans cette "anti-Jéricho", clef de la Terre Promise de
Satan, un rôle analogiquement inverse de celui de Rahab.
Car c’est bien pour l’instant, à une terre maudite que donne accès le
fil rouge du méridien, qui passe comme il se doit à proximité immédiate
de Rennes-le-Château, dans l’Aude, haut lieu perverti, mais ultimement
destiné à retrouver sa fonction eschatologique.
Car, comme l’explique René Guénon dans Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps :
"La géographie sacrée [...] est comme toute autre science traditionnelle
d’ordre contingent, susceptible d’être détournée de son usage légitime
et appliquée "à rebours" : si un point est "privilégié" pour servir à
l’émission et à la direction des influences psychiques quand celles-ci
sont le véhicule d’une action spirituel, il ne le sera pas moins quand
ces mêmes influences psychiques seront utilisées d’une tout autre
manière et pour des fins contraires à toute spiritualité."
Telle est bien la clef de l’"affaire" de Rennes-le-Château.
Et l’on commence peut-être à comprendre que le succès des foutaises provocatrices du Da Vinci Code
ne tient pas à la qualité littéraire de ce roman de gare, mais à un
"climat" pré-eschatologique et aux "inspirations" délétères qui
l’accompagnent, à l’ombre de la véritable mission de la France.
Mais nous entendons déjà certains grands-monarchistes se récrier :
"Notre "Roy perdu" n’a rien à voir avec le descendant
gnostico-occulto-judéo-maçonnique de la "lignée" prétendument issue du
Christ. Si contrefaçon il y a, c’est bien le "vrai" Grand Monarque, le
nôtre, catholique et français toujours, qui en est la victime !"
Une première réponse renvoie dos à dos "vrai" et "faux" Grand Monarque :
Comment serait-il possible, en toute hypothèse, qu’un roi remonte à la
fin des temps sur le trône de France, puisque justement, à la fin, nul
autre que le Christ glorieux ne saurait prendre possession de son
Royaume – les rois n’ayant été jusque-là que ses lieu-tenants.
C’est bien ce que dit Jeanne d’Arc à Charles VII : "Gentil seigneur, je
viens de la part du roi du Ciel, qui est vrai Roi de France."
Déclaration tellement gênante pour les grands-monarchistes que les
mystagogues de Rennes-le-Château exaltés par Dan Brown ont, comme à
l’accoutumée, grossièrement truqué et tronqué ce message, faisant ainsi
de la Pucelle l’ambassadrice du "Roy perdu" malheureusement retrouvé...
En vérité, si le 515, le Veltro, conduit au Bon Pasteur le "troupeau
unique" rassemblé des quatre coins de la terre, la France, ultime Terre
Sainte, épicentre du séisme eschatologique, est dévolue au seul Seigneur
lors de son Second Avènement.
Et c’est sans doute ici qu’il faut s’interroger sur ce "Grand Pape", qui
accompagne souvent le Grand Monarque dans les "prophéties", pour
ébaucher une caricature de "césaro-papisme"...
Les seuls "Grand Pape" et "Grand Monarque" associés que la Chrétienté
puisse reconnaître ont régné...il y a mille ans : nous parlons de
Sylvestre II (Gerbert d’Aurillac) consacré en la basilique Saint-Pierre
le dimanche des Rameaux 999, et de son élève Otton III, "la Merveille du
Monde".
Nouvelle preuve qu’il n’existe pas d’erreur chimiquement pure, mais seulement des vérités trahies, défigurées.
Cela dit, dans la perspective inversée des grands-monarchistes, à qui
peut bien correspondre le Grand Pape dont le Grand Monarque aplanirait
les voies, sinon à...l’Antéchrist lui-même !
Avis à tous les sédévacantistes qui se substituent à l’Esprit Saint et
méprisent les promesses du Christ (se rencontrant ainsi de façon
inattendue avec les protestants...) pour "déposer" le pape alors même
que celui-ci gouverne la barque de Pierre aux large de ces Symplégades
que sont les deux écueils de la dissolution moderniste et de la
pétrification intégriste...
Ont-ils oublié que lors de la Transfiguration, Pierre "parlait encore,
quand une nuée lumineuse les prit sous son ombre, et une voix dit, de
la nuée : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; il a tout mon amour :
écoutez-le."
Pierre en effet ne cessera de parler en esprit et en vérité jusqu’au Retour glorieux du Christ "sur la nuée". Est-ce clair ?
A tous ceux qui vont derechef s’indigner que nous puissions assimiler le
Grand Pape à l’Antéchrist, nous rappellerons une particularité majeure
de l’eschatologie diabolique qui les concerne d’autant plus qu’elle
explique de surcroît la présence dans le scénario de deux Grands Monarques apparemment
opposés et qui pourraient non moins apparemment justifier aux yeux des
ignorants les prétentions des intégristes à détenir la vérité, face à
une erreur un peu trop provocatrice, justement.
Il est donc exact que pour mieux aplanir les voies du Prince du
Mensonge, la Puissance des Ténèbres à prévu deux Grands Monarques,
eux-mêmes associés à ce que nous qualifierons volontiers de piège à
double détente.
Qu’est-ce à dire ? L’Apocalypse de saint Jean nous présente deux figures
diaboliques principales : l’Antéchrist et, avant lui, la Prostituée, la
Femme vêtue de pourpre et d’écarlate qui "enivre les marchands de la
terre" (cela ne vous dit rien ?), et qui est finalement anéantie par la
Bête qui la porte (Apocalypse, 17, 1-18.)
Il ne faut pas chercher ailleurs l’origine du "Féminin divin" si cher à Dan Brown, à ses prédécesseurs et à ses épigones.
Ainsi, dans un bouquin intitulé Le Dernier Secret de Nostradamus,
Guy Tarade et Alexandra Schreyer attendent "le retour de la femme
cosmique" - inversion de Marie co-rédemptrice – car : "A la fin de ce
millénaire [et à fortiori au début du suivant] c’est la déesse, la
polarité féminine, l’énergie en essence, le dynamisme divin qui
demandera à être manifesté."
D’où la "réhabilitation" blasphématoire de Marie-Madeleine (comme si les
catholiques l’avaient jamais dédaignée !) et son mariage avec Jésus
(mais alors il n’est plus le Fils de Dieu ?!) pour fonder cette lignée
(mais alors quelle importance a-t-elle ?!) du "sang sacré", du "sang
réal" ou du "sangraal" (suivez mon regard...)
Dans ce "montage" diabolique destiné à abuser les naïfs – pour user d’un
euphémisme – le "Grand Monarque de la Gnose", chevalier-servant de la
Prostituée, permettra au "vrai" Grand Monarque, après cette "hénaurme"
provocation, comme eût dit Flaubert, de passer à peu de frais pour le
"libérateur" et le restaurateur de toutes les fausses valeurs que l’on
voudra ! Lui qui sera en réalité le précurseur du Grand
Pape-Antéchrist...
Et dire que ce scénario digne des fêtes foraines de jadis, avec leur
"baron", leur faire-valoir, est sous nos yeux depuis 2000 ans, grâce à
saint Jean !
A ceux qui n’auraient toujours pas compris, expliquons charitablement
que si la Prostituée, après avoir joué son rôle, est tuée par la Bête
qui la porte, c’est bien qu’un même Mensonge donne naissance à cette
hydre bicéphale qu’incarnent la Femme écarlate et l’Antéchrist, et donc,
bis repetita placent, les deux Grands Monarques qui leur sont respectivement associés.
Pour approfondir cet antagonisme factice, et leur permettre peut-être
d’élargir leur horizon, de l’ouvrir à des dimensions insoupçonnées, nous
conseillerons aux grands-monarchistes de s’intéresser à la "religion
extra-terrestre" qui depuis des décennies "revisite" les textes sacrés
en faisant de Dieu et des anges nos "frères de l’espace"...ou des faux
frères !
Car là aussi, comme c’est bizarre, on nous parle en long, en large et en
travers, de l’antagonisme entre des "êtres de lumières" (Grands Blonds,
Vénusiens, etc.) veillant sur notre "évolution" (à propos, il paraît
que certains intégristes se sont convertis à l’évolutionnisme !), et des
entités maléfiques : Petits Gris, Reptiliens et autre "aliens" à
l’aspect "insectoïde".
Or, ces derniers ressemblent trait pour trait aux "sauterelles" sortant du Puits de l’Abîme dans l’Apocalypse de saint Jean.
Nous ne ferons tout de même pas l’injure aux grands-monarchistes de
leur expliquer auquel des deux grands actes de cette tragi-comédie, à
laquelle des deux phases du piège à double détente, doivent être
respectivement associés ces Grands Blonds et ces Petits Gris !
Avouons que lorsque la Divine miséricorde nous donne la clef...du Puits
de l’Abîme, il devient vraiment difficile de confondre anges déchus et
anges de lumière.
Pour illustrer ce lien entre la légende grand monarchiste et la
mythologie extra-terrestre, nous résumerons un livre paru en 1973 et
intitulé La Race fabuleuse. Son auteur, Gérard de Sède, également
vulgarisateur de l’affaire de Rennes-le-Château, y recueillait les
propos d’un certain (ou d’un incertain) "marquis de B." qui lui aussi, à
sa façon, allait se révéler un précurseur...
Selon, donc, ce héraut de la doctrine néo-mérovingienne consubstantielle
aux mystères du Razès (la région de Rennes-le-Château), les Francs
furent il y a fort longtemps des Aryas d’origine sans doute caucasienne
qui, après avoir envahi l’Inde au XXème siècle avant Jésus-Christ, se
seraient retrouvés en Asie Mineure. Certains – les Héthéens de la Bible
ou les Hittites de l’archéologie – y restèrent jusqu’au XIIIe siècle
avant notre ère, alors que d’autres – les Hyksos (entrainant d’autres
peuples parmi lesquelles les Habirous ou Hébreux) – envahirent le nord
de l’Egypte où leurs Rois-Pasteurs régnèrent pendant plus de trois
siècles.
Premier indice fâcheux ces Hyksos étaient des adorateurs de Set le dieu
maléfique à la tête d’âne, meurtrier d’Osiris, et ils rétablirent son
culte dans leur capitale, Avaris. Loin de pouvoir être associés aux
Hébreux comme on voudrait nous le faire croire, ils jouèrent en Égypte
un rôle exactement inverse du leur.
Second indice inquiétant : "Les découvertes les plus récentes ont montré
que les Habirous étaient bien à l’origine une tribu indo-européenne et
non sémitique. [...] Le brassage des Habirous avec les Sémites, surtout
Arabes, ne se fera que plus tard, au temps de l’Exode."
C’était aussi l’avis du célèbre théoricien raciste Vacher de Lapouge,
selon qui les Juifs étaient une race bâtarde, fruit du mélange
d’envahisseurs "dolicho-blonds" avec les autochtones occupant la
Palestine. Mais reprenons le fil de ces très suspectes migrations.
Toujours à en croire le "marquis de B." fidèlement relayé par de Sède
(qui ne voyait sans doute en tout cela qu’une singulière histoire à
raconter, sans se compromettre), d’autres Aryas, sous le nom de
Pélasges, fondèrent la première Troie.
La guerre légendaire chantée par Homère fut d’ailleurs l’occasion, pour
une foule de peuples d’Asie Mineure, de voler au secours des habitants
d’Ilion. Or parmi ces alliés de circonstance se trouvaient d’autres
Pélasges, les Phrygiens.
A la suite d’épisodes "historico-légendaires" dont nous épargnerons le
détail aux internautes, ces Phrygiens, mêlés au reste des Troyens,
gagnèrent finalement la Grèce. Les uns y demeurèrent tandis que d’autres
poursuivirent leur errance jusqu’en Italie. "Cette migration forme le
thème de l’Enéide".
D’autres encore, après avoir donné à la région comprise entre Save et
Danube, où s’élève aujourd’hui Belgrade, le nom de "Francochorium" ou
Pays des Francs, fondirent plus au nord la future Budapest, qu’ils
nommèrent Sicambria.
En révolte latente contre Rome, les uns y demeurèrent pendant trois
siècles alors que d’autres se mirent en marche vers la Germanie, puis
passèrent le Rhin. Mais vers le premier siècle avant Jésus-Christ les
avaient rejoints en Germanie les Phrygiens de Grèce et d’Italie.
Et puis surtout, une partie des "Habirous/Hébreux" dont le destin avait
été inextricablement lié à celui des Hyksos "sétiens" (voir plus haut),
s’étaient à leur tour mêlés à ces peuples phrygo-pélasgique fondateurs
de Troie.
Et c’est là que les choses deviennent véritablement "intéressantes".
Non content en effet d’avoir associé implicitement les Hébreux au dieu à
la tête d’âne, par l’intermédiaire des hyksos "sétiens", le marquis de
B. fait de Caïn leur "prototype"...
De quoi s’agit-il en tout cela sinon d’une "diabolisation" méticuleuse des Hébreux, sous couvert de les glorifier !
Et à qui pourrait bien s’adresser un message aussi provocateur, sinon
aux partisans du "vrai" Grand Monarque, que leurs éventuelles sympathies
sionistes n’empêchent pas (au contraire...) de conserver un solide fond
d’antijudaïsme "religieux".
Et à cet égard, ils devraient se sentir visés par ces propos d’Abraham
Abulafia, le grand Kabbaliste du XIIIe siècle, qui, après avoir relaté
ses entretiens confidentiels avec des chrétiens, et leur parfait accord
sur l’interprétation de la Bible, conclut qu’ils appartenaient à la
catégorie des "hommes pieux" parmi les gentils, "et que l’on n’a pas
besoin de prendre garde aux paroles des sots dans n’importe quelle
religion [...]"
(Cité par Gershom G. Sholem, Les Grands Courants de la Mystique juive.)
C’est hélas ce que la grande misère des temps nous contraint à faire !
Car toutes ces histoires d’apparence "pittoresque" nous font mesurer une
fois de plus, en réalité, l’imminence du danger "grand-monarchiste".
De fait, nous ne nous sommes nullement perdus en route, en
"accompagnant" les migrations doctement racontées par le marquis de B,
et dont voici la dernière étape, qui constitue aussi, d’un autre point
de vue, le "chaînon manquant" : Avant "l’institution de la royauté
juive, c’est-à-dire antérieurement au XIe siècle avant notre ère, une
partie de la tribu qui fonderait plus tard cette royauté en la personne
de Saül, la tribu de Benjamin, fut mise au ban d’Israël et dut
s’expatrier."
Nous reconnaissons bien là la "griffe" des faussaires néo-mérovingiens,
car en réalité les Benjaminites châtiés par une coalition des autres
tribus d’Israël, et réduits à 600 hommes, ne s’expatrièrent nullement,
mais reconstituèrent la tribu (Juges, 20, 47 ; 21, 10-14 et 19-23.)
Mais dans l’esprit, ou plutôt dans les arrière-pensées de nos
"historiens", la tribu de Benjamin, "ayant vocation royale", constituait
ipso facto l’une des pierres d’angle de la supercherie.
Ancêtre "idéal" de la dynastie mérovingienne (avant que celle-ci
n’hérite ces dernières années du "sang réal" de Jésus...) il fallait
impérativement l’intégrer à ces migrations hébraïques dont tous les
grands-monarchistes, quel que soit leur "prétendant", nous expliquent le
cheminement jusqu’en Gaule.
Tous les grands-monarchistes ? Mais bien sûr !
Là encore, on aurait grand tort de ne pas voir le rapport entre ces
différentes variations brodées sur le même thème, ou plutôt, nous
l’avons dit, sur un unique mensonge qui repose en définitive sur la
matérialisation grossière de ce qui doit s’entendre selon l’Esprit. Or
l’Evangile nous dit que si celui-ci vivifie, la lettre tue. Et c’est
bien de littéralisme mortifère qu’il s’agit en tout cela.
A cet égard comme à bien d’autres, le marquis de la Franquerie, éminent
représentant de la frange "orthodoxe" (!) du grand-monarchisme, a ouvert
la voie au marquis de B, héraut du "Grand Monarque de la
Gnose"...Convaincu en effet que "la race de nos Rois n’est autre que
celle de David", le marquis de la Franquerie (op. cit.) reprend à son
compte les théories "abracadabrantesques" selon lesquelles les Francs et
les Celtes de race "aryano-sémitique", sont issus "du mélange des
tribus sémitiques hébraïques de Palestine, les judaïtes et les Danites,
de la tribu de Juda et de Dan [...].
"Les tribus aryennes descendraient de Gomer, fils ainé de Japhet [...]
Ces tribus seraient les Gomariens, les Phrygiens, les Troyens et les
Seythes [...]
"Puis on suit la longue migration des Phrygiens-Troyens depuis le royaume troyen jusqu’au nord-est de la Gaule [...]"
Et voilà comment, selon un certain Michaël Faramersalve, repris par le
marquis de la Franquerie : "Tous les Rois de France ne forment qu’une
seule race qui est véritablement issue de la race de Juda et de David,
en passant par la Famille Troyenne."
Finalement, sur le plan "historique", la seule différence entre les
"néo-gnostiques" et les intégristes réside en ceci que les premiers sont
beaucoup plus sourcilleux quant à la pureté de la race, puisqu’ils
rejettent comme usurpatrices les dynasties postérieures aux Mérovingiens
!!
Comme on l’a dit très justement dans un autre contexte, ce littéralisme
grossier oppose en quelque sorte l’"alliance du sang" au "Sang de
l’Alliance" qui, lui, fut répandu à l’extérieur lors de la Passion du
Christ pour que tous pussent y participer. (Cf. Épître aux Hébreux, 10,
19.)
Au contraire, le mythe du sang et de la race cher aux deux "familles"
grand-monarchistes, nous mène très loin, ou plutôt très bas, dans le
royaume du Mensonge, ainsi qu’on va le voir. Car il est grand temps d’en
arriver à la véritable raison de notre exégèse de la Race Fabuleuse.
A vrai dire, il suffit pour justifier notre affirmation initiale de
citer le sous-titre du livre : "Extra-terrestres et mythologie
mérovingienne".
Voici en effet comment s’achève le récit du marquis de B.
" - Si le "sang sacré" des Mérovingiens, que rendaient tangible leurs
marques génétiques héréditaires, provenait de ces "ancêtres élevés", des
Marous védiques, des Droga tibétains, des Nephillim bibliques dont le
nom signifie "les Tombés", du Phrygien Phryxos fils de la nuée Néphélé,
de ces ancêtres dont peu importe les divers noms puisque aussi bien leur
trace se retrouve dans le nom des "Francs des nuages", les Franci
nebulones ou Niebelungen, tombés du ciel dans les contrées marécageuses,
comme les crapauds [emblème des Mérovingiens], bref si ce sang
témoignait d’un très ancien croisement avec une espèce dont l’évolution
avait commencé sur une autre planète et s’était poursuivie pendant un
certain temps sur la nôtre, alors aussi stupéfiant que cela paraisse,
DES DESCENDANTS DES EXTRA-TERRESTRES ONT JADIS RÉGNÉ SUR LA FRANCE.
"Ce sang dont ils ignoraient l’origine mais dont ils subissaient la
fascination, ce sang dont ils ne purent jamais – et pour cause – se
prévaloir, on comprend que des rois dont le trône reposait sur
l’usurpation aient vécu dans la peur obsédante de le voir réapparaître
en la personne d’un Roi Perdu."
Encore une fois, que l’on ne se récrie pas en trouvant la plaisanterie
un peu forte et en se déclarant totalement immunisé contre ce genre de
délire. D’abord, nous n’accordons qu’un crédit très limité au
discernement de gens qui de leur propre aveu sont incapables de faire la
distinction entre Dan Brown et Guénon !
Ensuite, il y a longtemps déjà qu’un certain public "traditionaliste"
(fort éloigné du véritable esprit traditionnel) manifeste une
complaisance coupable à l’égard d’un phénomène qui, pour le dire vite,
ne concerne nullement les humanités d’outre-espace, mais bien les anges
déchus et leurs alliés du monde animique ou psychique, intermédiaire
entre l’Esprit et le corps dans le "trichotomisme" paulinien, et qui
constitue par "excellence" le domaine des prestiges diaboliques,
lorsqu’il n’est pas sanctifié. (Cf. Ier Épîtres aux Théssaloniciens, 5,
23.)
Car toujours selon saint Paul : "L’homme psychique ne perçoit pas ce qui
est de l’Esprit de Dieu ; en effet, c’est une folie pour lui et il ne
peut en avoir la gnose, car il faut le discerner spirituellement [...]"
(I Corinthiens, 2, 14-15)
Affirmation à laquelle saint Jude fait écho, en parlant des hommes des
derniers temps : "Ce sont eux qui créent des divisions, ces psychiques
qui n’ont pas l’Esprit." (3, 19)
Un exemple désolant, parmi bien d’autres, de cette confusion du
psychique diabolique et du spirituel, exposant à tomber dans les pièges
les plus grossiers (en attendant hélas de beaucoup plus...subtils
propres à séduire "les élus eux-mêmes, s’il se pouvait") nous est fourni
– déjà – par un éditorial de l’abbé Richard paru dans le journal
catholique L’Homme Nouveau du 16 janvier 1977.
Faisant allusion aux livres de Jean-Claude Bourret, dans lesquels il
était question des événements de Fatima, accommodés à la sauce
"soucoupiste", l’abbé, bien que très réticent à l’égard de
l’interprétation du célèbre journaliste de télévision, n’en affirmait
pas moins : "Il est assez inattendu, mais somme toute satisfaisant, que
les apparitions de la Cova da Iria, dédaignés par beaucoup de nos
scribes catholiques, en tant que phénomènes d’ordre charismatique et
miraculeux, puissent commencer une carrière brillante en qualité de
soucoupes volantes ou d’extra-terrestres. La grâce prend tous les
chemins, comme dirait Péguy."
Peut-on être plus aveugle ?...
Et nous n’osons même pas imaginer ce que pourrait dire aujourd’hui ce
pieux ecclésiastique, à l’heure où "s’opposent" déjà dans les coulisses,
pour la répétition générale d’un Harmaguedon revu et corrigé, les
Grands Blonds (futurs "anges de lumière") et les Petits
Gris-Reptiliens-Insectoïdes (qui en qualité de "démons" ne jouent même
pas un rôle de composition, à la seule condition – mais décisive ! –de
les faire sortir du Puits de l’Abîme apocalyptique, et non point
"descendre" de lointaines planètes...)
Cette illusion tragique qui consiste à vouloir en toute inconscience
"déjeuner avec le diable", a encore été illustrée par une émission de la
station radiophonique Ici et maintenant, évoquée sur ce forum le
22 août dernier, et qui, tout en assimilant comme il se doit les
apparitions de Fatima à une manifestation "ufologique" ("soucoupiste"
pour les francophones...), qualifiait le troisième secret d’innommable
et d’abject !
Car vous l’avez compris, l’Eglise nous cache la vérité sur les
extra-terrestres, comme elle nous la cache sur la "Lignée" du "sang
sacré"...
Refermons cette parenthèse tragi-comique en espérant avoir été entendu.
Pour achever de nous convaincre que le "grand-monarchisme",
"néo-gnostique" ou intégriste, est bien une hydre à deux têtes, et que
dans ce jeu d’échecs diabolique, il s’agit, in fine, de sacrifier la
Reine (en l’occurrence : la Grande Prostituée) au profit de
l’Antéchrist, nous allons délaisser la légende noire pour l’Histoire
véritable, au demeurant tout aussi sinistre.
Peut-être même jugera-t-on que, là aussi, la réalité dépasse la "fiction".
Un beau jour de l’an de grâce 1772, un certain Loiseaut, bourgeois de
Saint-Mandé, près de Paris, s’aperçut soudain de la présence à son côté,
alors qu’il priait à l’église, d’un très singulier personnage au teint
basané, à l’abondante pilosité, et dont le cou était barré d’une
horrible cicatrice vermeille...
S’étonnant que nul autre que lui n’ait apparemment remarqué ce drôle de
paroissien, Loiseaut rentra chez lui, en proie à un trouble qui fit
place à une compréhensible stupeur, lorsque devant sa porte, il tomba
nez à nez avec l’inconnu qui l’attendait...et qui s’évanouit dans l’air
au moment où il allait l’interroger.
C’en était trop pour Loiseaut, contraint de s’aliter. Vers minuit, la
chambre s’éclaire soudain d’une lumière rougeâtre et la tête de l’homme à
la cicatrice apparaît, entourée d’une auréole sanglante. Ouvrant une
bouche déformée par la haine, elle laisse échapper d’une voix étranglée
et sifflante : "J’attends les têtes des rois et celles des courtisanes
des rois."
Après quelques jours de repos et de soins, Loiseaut, cherchant à oublier
ce qu’il tient pour une hallucination, retourne à ses affaires
parisiennes. Alors qu’il traverse la place Louis XV, un mendiant le
sollicite. Loiseaut, sans le regarder, tire de sa poche une pièce
naturellement frappée à l’effigie du souverain, qu’il jette dans le
chapeau du miséreux :
"Merci, lui dit ce dernier, c’est une tête de roi, mais ici, ajoute-t-il
en désignant de sa main le centre de la place, il en tombera une autre,
et c’est celle-là que j’attends."
Loiseaut, interloqué, tourne brusquement les yeux vers le mendiant : c’est le mystérieux inconnu à la cicatrice vermeille !
Le 21 janvier 1793, sur cette même place – devenue entretemps place de
la Révolution, et qui s’appelle aujourd’hui Place de la Concorde – alors
que le couperet de la guillotine vient de trancher la tête de Louis
XVI, un homme basané, à la longue barbe, monte sur l’échafaud, plonge
ses mains dans le sang royal et les secoue sur les spectateurs de
l’exécution : "Peuple français, je te baptise au nom de "Jacques" et de
la liberté !"
Certains comprirent que ce "jacques" était le dernier grand maître des
Templiers, jacques de Molay, dont la Puissance des Ténèbres tentait
ainsi de s’approprier le martyre, d’en faire une arme contre la royauté
au nom, sans doute, de la "responsabilité" collective...
Loiseaut, mort quelques années auparavant, n’avait pu assister à la
scène, mais avant cette sinistre "apothéose", il était hélas tombé dans
les rêts de l’"apparition", qui se faisait passer pour Jean-Baptiste le
Précurseur, et prédisait des châtiments divins appelés par les péchés
des hommes – au nombre desquels il fallait manifestement compter ceux
d’une royauté indigne et donc...usurpatrice. Déjà !
On retrouvera ce climat empreint de douceur et de charité (!) dans les
imprécations de Léon Bloy, qui visait également le clergé, comme il se
doit. Prenant les deux voyants de la Salette pour les deux Témoins de
l’Apocalypse, il écrivait par exemple dans Celle qui pleure (entendez : l’apparition de la Salette en 1846) :
"Quand la France boueuse de la tête aux pieds, disait Mélanie [la
bergère de la Salette], aura été purifiée par les fléaux de la justice
divine, Dieu lui donnera un homme, mais un homme libre pour la gouverner. Elle sera alors assouplie, presque anéantie."
"Il faudrait être avantagé d’une stupidité rare pour chercher cet homme
parmi les bestiaux de pèlerinage, ou de congrès catholique", ajoutait le
"Mendiant ingrat", fort mécontent qu’en matière de pèlerinage,
justement, on négligeait la Salette, prétendument victime d’une
conspiration du silence, au profit, par exemple, de Lourdes. Lui qui ne
se cachait pas de préférer l’apparition "couronnée d’épines" à
l’Immaculée Conception "couronnée de roses, blanche et bleue dans la
musique suave et les parfums."
Disons le en passant, Bloy ne pardonnera pas à Huysmans – il osa même y
voir la cause de sa mort – cette description involontairement
"symbolique" de la Salette :
"Le paysage était sinistre ; l’on éprouvait un extraordinaire malaise à
le contempler, peut-être parce qu’il déroutait cette idée de l’infini
qui est en nous. Le firmament n’était plus qu’un accessoire relégué, tel
qu’un rebut, sur le sommet délaissé des monts et l’abîme devenait tout.
Il diminuait, il rapetissait le ciel, substituant aux splendeurs des
espaces éternels la magnificence de ses gouffres.
"Et en effet, l’œil se détournait, déçu, de ce ciel qui avait perdu
l’illimité de ses profondeurs, l’immensurable de ses étendues [...]
"Involontairement le regard était attiré par les précipices et alors la
tête vacillait à scruter ces trous démesurés de nuit. Ainsi déplacée,
enlevée d’en haut et reportée en bas, cette immensité était horrible !"
(La Cathédrale.)
Mais reprenons le fil de notre histoire, inaugurée – vous avez dit
bizarre ?... – par cette pseudo-"apparition" du Précurseur, suffisamment
terrible et menaçante pour réjouir le cœur de Bloy, s’il se fût trouvé à
la place de Loiseaut...
Autour de ce dernier s’était constitué, sous le vocable de "Société de
saint Jean Baptiste", une association de personnes pieuses qui
recueillaient chaque jour les avertissements du "Précurseur".
Présent à toutes les séances, mais seulement visible pour Loiseaut, il
dictait des prières et révélait les desseins de Dieu. Après la mort de
Loiseaut, un prêtre entretint quelques temps la flamme prophétique,
avant que l’épouse d’un membre de la Société, Françoise André
(1730-1803), ne reçoive à son tour les faveurs "célestes".
Le jour de la Saint-Louis, 25 août 1788, le Précurseur lui apparut, et
dès lors il enseigne à la voyante (au demeurant illettrée, mais qui
dictait ses révélations) les moyens de mériter la Miséricorde divine,
tout en annonçant le règne prochain du Saint-Esprit.
A la mort de "sœur Françoise", un autre membre de la Société, Legros,
reçut l’esprit de prophétie, qui lui commande d’édifier un temple pour
la nouvelle Église, rue Basse-Saint-Pierre-au-Marais (la bien nommée !).
Investi d’une sorte de ministère sacerdotal sur lequel il se montre
discret, le Sieur Legros n’en sollicita pas moins, par une sombre
ironie, un emploi dans la maison royale des fous de Charenton.
Nous ignorons s’il agissait en l’occurrence sous l’inspiration de
Jean-Baptiste (disons plus exactement : de l’apparition diabolique),
mais c’est là en tout cas qu’il fit la connaissance d’un autre
protagoniste majeur de cette histoire souterraine : Thomas Martin,
paysan beauceron originaire de Gallardon, que le duc Decazes, ministre
de la Police, venait de faire interner, bien que de l’avis général il ne
présentât aucun signe de déséquilibre.
C’est que Martin avait été lui aussi gratifié, en 1816, d’apparitions,
non point de "saint Jean-Baptiste" mais de l’archange Raphaël, vêtu
d’une redingote et d’un chapeau haut-de-forme..."Plus brillant que les
rayons du soleil", nonobstant son accoutrement bourgeois (le diable ne
peut jamais s’empêcher d’être grotesque !), il avait délivré à notre
paysan – avant de s’élever de terre et de disparaître lui aussi "comme
s’il se fût fondu" dans l’air – ce message destiné à Louis XVIII : Le
roi "occupait une place à laquelle il n’avait point droit."
Autrement dit, le dauphin, fils de Louis XVI, n’était pas mort dans la
prison du Temple, et était donc le seul souverain légitime.
L’incontournable marquis de la Franquerie, que toutes ces...singularités
ne rebutaient pas, précise même gravement que l’envoyé de Dieu – Martin
– "ajouta au souverain que s’il se faisait sacrer, il serait foudroyé
au cours de la cérémonie...et le Monarque usurpateur n’osa pas s’exposer
à la sanction divine".
(Le caractère sacré et divin de la royauté en France)
Sur ce thème de la survivance (bis repetita placent : il n’y a
pas d’erreur chimiquement pure, etc.) on a brodé depuis bien des
variations, négligeant de plus en plus la lignée légitime – de même que
les sédévacantistes ont "déposé" le Pape – pour mieux écouter la "Voix
d’en bas" bloyenne.
Quoi qu’il en soit, le plus fort est que Martin de Gallardon put faire
personnellement cette commission "céleste" à son royal destinataire, qui
par curiosité l’avait fait sortir de Charenton pour pouvoir l’entendre
et, sans rancune, lui accorda la liberté après l’avoir reçu en audience.
La venue en France de Naundorf, le plus célèbre des faux Dauphins,
dix-sept ans plus tard, suscita chez Martin un émoi que partagerait une
fois encore, en son temps, l’incorrigible Bloy :
"Le Dauphin, fils de Louis XVI, - authentiquement Louis XVII, - prétendu
mort au Temple, en 1795, exhala son âme douloureuse à Delft, en
Hollande, le 10 août 1845, un peu plus de treize mois avant l’apparition
de la Salette."
Et de se citer lui-même (Le Fils de Louis XVI) :
"promptitude fort singulière de ce miracle, si peu de temps après que le
Candélabre aux Lys d’Or, dont il est parlé dans le Pentateuque, avait
été renversé.
"Lorsque éclata la nouvelle de l’apparition, un seul chrétien se
demanda-t-il si quelque chose d’infiniment précieux ne venait pas d’être
brisé, pour que la Splendeur elle-même, la Gloire impassible et
inaccessible parût en deuil ? [...]
"La catastrophe est si énorme que ce qui ne peut absolument pas souffrir
souffre néanmoins et pleure. La Béatitude sanglote et supplie. La
Toute-Puissance déclare qu’elle n’en peut plus et demande grâce...Que
s’est-il donc passé sinon que Quelqu’un est mort qui ne devait pas
mourir ?..."
Ce "Quelqu’un", en l’occurrence Naundorf, avait naguère tiré de sa
rencontre avec Martin de Gallardon une foi nouvelle en son destin et,
mystificateur mystifié, il sombra dès lors dans un messianisme
halluciné, dont la flamme obscure était quotidiennement entretenue par
trois personnages particulièrement bavards : Élie, Raphaël et
Jean-Baptiste, qui lui dictèrent un livre dans lequel était exposée sa
mission : rétablir la vérité et la justice de Dieu sur la terre, sa vie
devant "égaler celle du Seigneur Jésus-Christ".
On nous pardonnera ici une digression qui élargira peut-être l’horizon
de certains : nous ne pouvons en effet nous empêcher de mettre cette
folie "grand-monarchiste" en opposition, entre autres, avec la sagesse
shintoïste qui, dans un même contexte de sacralisation du pouvoir
temporel, sut éviter les dérives en marquant symboliquement la
distinction entre l’humain et le Divin.
Le miroir (kagami) est le premier et le plus important des "Trois
Joyaux" (les deux autres étant l’Epée et le Collier de 500 perles) qui
furent remis par la déesse Amaterasu à l’ancêtre légendaire des
souverains du Japon, et dont la possession témoigne du statut mi-divin
de l’empereur. Mais justement, ce miroir théophanique par lequel
Amaterasu se révéla aux dieux, et dans lequel, à la suite du petit-fils
de la déesse, les empereurs sont appelés "ontologiquement" à contempler
leur Soi divin, fut enveloppé de voiles successifs.
Comme si le mikado ne devait pas s’approprier, au nom de sa seule
fonction temporelle, ce symbole de la Connaissance suprême – les deux
autres joyaux, Épée et Collier, étant respectivement associés aux vertus
de bravoure et de charité. L’empereur du Japon, lui aussi, se
reconnaissait donc comme un lieu-tenant.
Et très significativement, la seule tentative de dévoilement du miroir,
d’ailleurs interrompue par un miracle, à la fin du Xe siècle, fut le
fait de l’empereur Reizei Tennô, qui était fou et dut abdiquer aussitôt
après son accession au trône.
Mais il nous faut hélas retrouver d’autres "fous", même si l’internement
à Charenton de Martin de Gallardon était, nous l’avons vu,
essentiellement "politique"...
Lorsque, en novembre 1833, le paysan beauceron reconnut en Naundorf le
"prince légitime", Legros était mort depuis un an, mais les
enseignements de la Société de Saint Jean-Baptiste furent perpétués par
une Avignonnaise, Mme Bouche – née Marguerite-Thérèse des Isnard – qui
vaticinait depuis septembre 1810, époque à laquelle elle avait reçu en
l’église Saint-Pierre d’Avignon des révélations analogues à celles de
Loiseaut, de sœur Françoise et de Legros.
Ayant adopté le nomen mysticum de "sœur Salomé", elle entreprit, sur
l’injonction de l’"Esprit", d’informer les conducteurs des peuples de
son "Œuvre de Miséricorde".
Après d’infructueuses tentatives auprès de Napoléon puis de Louis XVIII,
elle réussit à impressionner l’empereur de Russie, qui la fit venir à
la Cour.
Elle le persuada de sceller une alliance avec Louis XVIII sur les bases
de ses révélations, avant d’être éclipsée au printemps 1821 par une
autre illuminée Mme de Krudener.
De retour à Paris, sœur Salomé soutint la cause de Naundorf et, par son
intermédiaire, fit la connaissance de Martin de Gallardon et de la
Société de Saint-Jean-Baptiste.
La "chaîne prophétique" inaugurée en 1772 n’avait donc pas été rompue,
et il semble qu’un personnage, en particulier, ait joué un rôle
déterminant dans la perpétuation de ce courant politico-mystique :
Ferdinand Geoffroi, originaire de Poitiers, ex-notaire condamné pour
détournement de fonds.
Naundorfiste très actif dans le Sud-Ouest, il connaissait également de
longue date Mme Bouche, alias sœur Salomé, à qui l’Esprit annonça un
jour :
"Maintenant, repose-toi, un autre va te succéder à ce même ministère".
Cet autre, justement, Geoffroi le connaissait aussi : En 1838, il avait
rencontré Eugène Vintras, au lourd passé d’escroc gyrovague, avec qui il
s’associa pour l’exploitation d’un cabinet d’affaires à Caen. Mais
Vintras, apparemment peu doué pour cette activité ou bien requis par de
plus hautes tâches, alla s’installer au début de 1839 à
Tilly-sur-Seulles comme gérant d’une fabrique de carton.
Ferdinand Geoffroi n’en abandonna pas pour autant son ex-associé, à qui
il rendait de fréquentes visites, et qu’il rejoignit finalement à Tilly.
Tout était donc en place pour la nouvelle "révélation" qui, dans le
droit fil des apparitions de Saint Jean-Baptiste à Loiseaut, allait
mettre en scène le prophète Élie, dont l'"esprit" s’empara de Vintras.
La mission de ce dernier lui fut annoncée pour la première fois le 6
août 1839 par un vieillard déguenillé qui, comme le Baptiste et
l’archange Raphaël, s’évapora dans l’azur après avoir délivré son
message.
Le 20 de ce même mois, Geoffroi présentait Vintras à Mme Bouche qui
reconnut en lui le continuateur annoncé par le Ciel, et lui transmit
ses pouvoirs.
L’affaire entra alors dans sa phase décisive : L’archange Saint-Michel,
Jésus, Marie, saint Joseph, se substituèrent bientôt au Vieillard. Ils
dénonçaient comme il se doit l’état de l’Église et prophétisaient des
châtiments purificateurs, suivis d’abondantes consolations accompagnant
le règne du Saint-Esprit. Dans une société régénérée il n’y aurait plus
qu’un seul troupeau sous un seul pasteur :
"Un Saint Pontife et un Monarque fort, l’un et l’autre selon le cœur de Dieu rétabliront toute chose."
Air connu…
Après un emprisonnement de cinq ans pour escroquerie (qui en fit un martyr aux yeux de ses disciples), Vintras, alias Élie redivivus,
reçut du Christ lui-même le rituel du culte rénové, et la description
précise des ornements sacerdotaux que devait revêtir le "pontife
d’amour" du "carmel" : Sur une chasuble rouge pendait, devant et
derrière, une croix renversée (comme celle qui soutient une statue de la Vierge devant l’église de Rennes-le Château) d’un rouge plus sombre.
Cette croix était censée symboliser la fin du règne du Christ souffrant et l’avènement du Christ glorieux.
Quant au rituel, il était calqué sur la messe catholique, à quelques
variantes près. Car dans l’esprit des fidèles, il ne s’agissait
nullement d’une nouvelle religion, pas même d’une réforme.
Selon l’abbé Charvoz, l’un des prêtres disciples de Vintras, l’Œuvre de
Miséricorde (héritée de Mme Bouche), "c’est la religion chrétienne, pure
et simple, mais intégrale (tiens, tiens !), la seule, l’unique, celle
de Jésus-Christ, embrassant tout ce qu’il a enseigné, sans fraude, sans
fausse interprétation, pleine de grâce et de vérité comme son auteur."
La liturgie s’accompagnait de phénomènes préternaturels tenues pour
miraculeux, au premier rang desquels des apparitions, disparitions et
multiplications d’hosties sanglantes et diversement ornées, que l’on
expliqua ainsi : Il s’agissait d’hosties volées par des satanistes qui
voulaient les profaner, et qui leur avaient échappé pour chercher asile
et réparation au sein de l’œuvre de Miséricorde...
Caressés à leur tour par l’aile de l’Archange déchu, trois prêtres, les
frères Baillard, nouveaux pontifes du Carmel vintrasien, firent souffler
cet esprit bizarre sur la colline Lorraine de Sion-Vaudémont, chantée
par Maurice Barrès dans sa célèbre Colline inspirée, et que l’on n’a pas manqué de rapprocher symboliquement d’une autre colline : celle de Rennes-le-Château.
Un jour lugubre de l’hiver 1851, Vintras lui-même, nous dit Barrès, vint y faire retentir son verbe prophétique :
"...Depuis que nous sommes rentrés dans Sion, les rues des villages
pleurent ; des gémissements indescriptibles descendent de la colline,
sur laquelle le Seigneur m’envoie crier aux villes et aux campagnes de
l’Est : "Retirez-vous du nombre des adorateurs qui offrent l’encens
divin au colosse de domination, cessez de vous donner à la grande
prostituée, à la Babylone romaine..."
Dans la nuit qui suivit, Vintras, sédévacantiste virulent, comme on peut
le constater, fut ravi en extase et assista à un conseil divin où se
jouait le sort de la terre, pour laquelle il intercéda : " - Je garderai
ceux qui m’honorent vraiment, répondit le Très-Haut [...]"
Et il expliqua à l’Organe (ainsi se faisait appeler Vintras) ce que
devait être la messe nouvelle : "C’est maintenant à l’humanité de
prendre la place du divin Sacrifié ; c’est aux hommes de se faire
victimes, de s’offrir tout entiers, de s’anéantir. L’humanité est le
Christ nouveau. Jésus va enfin entrer dans son repos."
Cette singulière théologie appelle quelques commentaires :
Si le Christ "entrait dans son repos", qu’en était-il de son Retour glorieux ?
Et il n’en était pas moins inquiétant de voir l’humanité prendre sa
place (sa "divinisation" ayant connu depuis le succès "idéologique" que
l’on sait.)
Quant à cette vocation sacrificielle, et pire encore, cet
"anéantissement" de ladite humanité, substituée au Rédempteur, ils
ouvraient la voie à toutes les déviations dont est susceptible la
doctrine de la réversibilité des mérites.
En elle-même parfaitement orthodoxe, celle-ci, puisqu’elle ne concerne pas seulement la communion des saints stricto sensu
mais les interactions régissant le destin spirituel de l’humanité
entière, peut revêtir deux aspects antinomiques : la face lumineuse
s’identifie à la Catholicité et donc à notre assomption dans le corps
mystique du nouvel Adam, dont nous sommes les frères adoptifs, et ainsi
cohéritiers du Royaume de Dieu.
Et la Mère qui nous engendre à cette gloire céleste n’est autre que la
"Femme enveloppée du soleil, et la lune sous ses pieds, et sur sa tête
une couronne de douze étoiles. Et elle est enceinte, et elle crie dans
les douleurs et les tortures de l’enfantement." (Apocalypse, 12, 1-2)
L’universalité de son amour maternel est attestée par tous les vrais
croyants, sous quelque nom qu’ils la prient : la Shekinah pour les
juifs, Maryam pour les musulmans ("O Maryam, en vérité Allah t’a élue,
t’a purifiée et t’a préférée aux femmes des mondes." [Coran, 3, 42.]
Pour ne parler que des "religions abrahamiques".
Quant à la face obscure de cette réversibilité des mérites, elle surgit
fort logiquement lorsqu’il ne s’agit plus de compléter ce qui manque à
la Passion d’un Christ désormais absent, lorsqu’il n’est plus question
du corps mystique du Sauveur que l’humanité, selon Vintras...et bien
d’autres après lui, doit remplacer.
Sur quoi, dans ces conditions, peut bien déboucher cet anéantissement
exigé de ladite humanité ? Non pas sur le rejet du "vieil homme" au
profit de l’"homme nouveau" conformé à son divin Modèle.
Pas davantage sur l’accomplissement de la parole évangélique : "En
vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces
plus petits de mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait." (Saint
Matthieu, 10, 40 ; 18, 5 ; 25, 40.)
Car en dehors du Verbe, il n’y a plus ni prochain ni relation de
proximité, mais seulement une juxtaposition d’individus en déshérence
constituant le "corps mystique" de l’Adam déchu et participant ipso
facto à la chute.
Paul Claudel, victime d’un étrange (ou significatif ?) aveuglement, a
tragiquement confondu la communion des âmes et la fausse solidarité née
des seuls intérêts et besoins matériels, dont le monde actuel nous offre
la véritable image : celle de la lutte de tous contre tous.
Puisque l’on ne rappellera jamais assez, avec par exemple saint Thomas d’Aquin, que la matière est un principe de division.
Combien consternante, dès lors, nous apparaît cette exaltation par
Claudel du commerce international (!) débouchant sur la vision
"prophétique" du trop célèbre "village planétaire"
(Cf. Conversation dans le Loir-et-Cher, in Nicolas Mulot, La Réversibilité).
L’astrophysicien Jean-Pierre Luminet tire les conséquences de cette
confusion des genres en déclarant dans un entretien qu’"avec Internet
cette fameuse conscience planétaire tant prônée par des précurseurs
comme Teilhard de Chardin, devient palpable. Dans le cybermonde, la
notion d’étranger n’existe pas." (Cité par N. Mulot, op.cit.)
Constat involontairement ironique dans la mesure où, en réalité, chacun est devenu un étranger à soi-même !
En voulant "christianiser" la mondialisation puis le cybermonde comme
l’abbé Richard voulait "christianiser" les apparitions d’OVNI, on
travaille en fait à l’"animation spirituelle" du règne de la Grande
Prostituée, elle qui enivre les marchands de la terre et dont le futur
et éphémère royaume se laisse déjà deviner derrière cette tyrannie
ploutocratique dans laquelle s’agitent frénétiquement des fourmis
"interconnectées"...mais ignorantes des redoutables "sauterelles" qui
commencent à sortir du Puits de l’Abîme !
Dès lors, à quoi ressemble cette caricature de communion des saints
"horizontalisée", pour laquelle l’oubli de la transcendance métamorphose
la réversibilité des mérites en une sorte de troc de vices et de
vertus, sinon à un troupeau terrifié par tous les cataclysmes
imaginables – et même inimaginables – inhérents à la fin d’un monde, et
qui, croyant ainsi assurer son salut, se sacrifiera "tout entier", corps
et âme (l’esprit restant inaccessible), au profit du "fédérateur", du
catalyseur de ces influences chaotiques désormais déchaînées, en un mot
du proférateur antéchristique de cette "Voix d’en Bas" que Léon Bloy
tenait pour oraculaire, et qui prétend s’opposer au Verbe.
On trouvera dans La Réversibilité, de Nicolas Mulot, de curieux
renseignements sur cette espèce de "nietzschéisme chrétien" susceptible
bien sûr de plusieurs degrés et qui, moyennant une étrange "suspension
de l’éthique" empruntée à Kierkegaard – qui en l’occurrence ne mènerait
pas au-delà mais en deçà de la morale chrétienne – prépare
"doctrinalement" à ce suicide collectif déguisé en sacrifice expiatoire.
Puisque, dans les inspirations diaboliques, le grotesque et le sordide
le disputent toujours au terrifiant, un disciple "dissident" de Vintras,
l’abbé Jean-Antoine Boullan (1824-1893) – qui voulait "exorciser
l’Eglise" - se chargea de caricaturer...la caricature, en plaçant
explicitement sa "mission" sous le signe de la Grande Prostituée, alors
que Vintras préparait quant à lui, à son niveau, l’avènement de
l’Antéchrist.
De la rencontre de l’abbé Boullan, à la Salette, en 1856, avec Adèle
Chevalier, une religieuse "miraculée" et "inspirée", naquit "L’Œuvre de
la réparation des âmes", où, à travers des "mariages mystiques", qui
n’avaient de "mystique" que le nom, fut en quelque sorte poussée jusqu’à
ses ultimes conséquences "pornographico-scatologiques" la doctrine de
la "sainteté du péché" prônée par les deux faux messies du Judaïsme,
Sabbataï Zevi et Jacob Frank, dont il a été question ici même, et qui
outragèrent la figure de la Shekinah comme Boullan outragea celle de la
Vierge.
Evidemment condamné par Rome et même incarcéré, Boullan quitta l’Eglise
et se rendit à Lyon auprès de Vintras, dont il devait revendiquer la
succession à sa mort en 1875, malgré l’opposition d’une majorité de
Vintrasiens qui le considéraient...comme hérétique !
Mais il est temps, justement, de retrouver Vintras, alors même qu’il
descend de la colline de Sion, sorte de Sinaï noir où a été révélé à ce
nouveau Moïse le "repos" du Christ, autrement dit la fin de son règne...
Aux frères Baillard qui l’accompagnent, il annonce leur prochaine
excommunication par le pape. Elle ne tarde pas en effet, et ce fut la
déchéance pour les prêtres égarés, avant que Léopold, l’aîné, n’entonne
un Gloria in excelsis vengeur lors de la débâcle de 1870, à
laquelle il assiste comme au Châtiment divin tant attendu. Une "divine
surprise" avant l’heure...
Puisque aussi bien, à soixante-dix ans de distance, et qu’il s’agisse du
IIe ou du IIIe Reich, c’était toujours l’ombre terrible du Saint-Empire
qui s’étendait sur la France martyrisée. Et si le Reich Bismarckien fut
proclamé en 1871 dans la Galerie des Glaces du château de Versailles,
comment ne pas y voir un tragique...jeu de miroirs, où l’Imperium
perverti se reflétait dans l’"hubris" monarchiste du "Roi-Soleil"...
Les hussards de la mort défilant au son des fifres dans les villages
lorrains annonçaient, aux yeux de Léopold Baillard, le triomphe final
des Vintrasiens. Déjà, sous les rigueurs de l’occupation étrangère,
frémissait pour les humbles, affranchis des contraintes étatiques,
quelque chose qui ressemblait à la fausse liberté du chaos. Pour faire
obstacle à ces forces ténébreuses, invisibles cohortes de l’"Empire du
Mal", apparut la Reine, elle qui doit écraser la tête du Dragon.
C’était au cœur du terrible hiver 1871, le 17 janvier (date symbolique
où s’ouvrent les portes spatio-temporelles de l’année, pour le meilleur
ou pour le pire, et de fait omniprésente dans la légende de Rennes-le
Château et dans le sanctoral parisien de Saint-Sulpice - jalons
essentiels de la ligne rouge méridienne et "gonds" sur lesquels pivotent
les dites portes...)
Dans le village de Pontmain, à 60 kilomètres de Laval, la Vierge
couronnée, mais portant un voile noir, se montra dans la nuit glacée
semée d’innombrables étoiles, à des enfants autour de qui se rassembla
une population agenouillée.
Elle répondait ainsi à l’exhortation de la Dame, lentement inscrite en
lettres d’or, par une main invisible, sur une grande banderole blanche :
"MAIS PRIEZ MES ENFANTS. DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS ●
"MON FILS SE LAISSE TOUCHER"
Le message, ponctué après le mot TEMPS, d’un grand rond d’or, tel un
soleil, aussi gros que les lettres, comprenait 70 signes, et fut délivré
à 70 pauvres paysans ; mais seuls des enfants purent le lire.
La Vierge était restée trois heures et demie dans la nuit de Pontmain,
pour nous rappeler la protection qu’elle exercera pendant les trois ans
et demi du règne de l’Antéchrist.
Et pour préfigurer cette protection, un ordre incroyable commanda aux
Prussiens d’arrêter net leur irrésistible élan. Ils n’entrèrent pas dans
Laval et quelques jours après, l’armistice était signé.
Ce même soir du 17 janvier 1871, au moment où la Vierge apparaissait à
Pontmain, commençait à Paris, en l’église Notre-Dame des Victoires, une
neuvaine solennelle.
Une inspiration avait poussé un vicaire à proposer aux fidèles rassemblés un vœu qu’ils acceptèrent sur le champ :
"Un cœur d’argent apprendra aux générations futures qu’aujourd’hui entre
8 et 9 heures, un peuple s’est prosterné aux pieds de Notre-Dame des
Victoires et a été sauvé par elle."
Regnum Galliae, Regum Mariae…
Après trois longues années, les Prussiens repartirent et la France fut
soulevée par une vague de ferveur ainsi commentée par l’inévitable Léon
Bloy, redoublant de sarcasmes contre les Catholiques :
"Ah ! Je m’en souviens de ces cohues, au lendemain de la guerre, en 73 exactement.
"Les derrières cuisaient encore de la botte Allemande. On ne parlait que
de retourner à Dieu. On s’empilait dans les cercles catholiques pour
entendre la bonne parole de Mgr Mermillod [évêque de Genève impliqué
dans les problèmes économiques et sociaux], racontant ce qu’il avait
souffert pour Jésus-Christ ou les bafouillages œcuméniques de M. de Mun
[fondateur de l’œuvre des cercles ouvriers]. On se cramponnait
éperdument au Comte de Chambord supposé le grand Monarque annoncé par
des prophéties et dont la bedaine illégitime devait tout sauver."
(C’est que Maximin, le voyant de la Salette, avait fait le voyage de
Frohsdorf pour inciter le prince en exil à renoncer au trône.
"Tout porte à croire, en effet, écrit Bloy, que Maximin aurait dit à ce
prétendant ce que Martin de Gallardon, en 1816, avait dit à l’infâme
Louis XVIII : "Vous êtes un usurpateur.")
"On se précipitait aux pèlerinages, poursuit Bloy, en chantant des
couplets libérateurs. On votait l’érection d’un sanctuaire au Sacré-Cœur
[...] Quoi encore ? Les Pères Augustins de l’Assomption fondaient le Pèlerin prospère et la profitable Croix, pour l’avilissement irrémédiable de la pensée et du sentiment chrétien."
(Celle qui pleure.)
Tout cela, répétons-le, parce que l’on avait négligé, à ses yeux, la
Salette et les messages "grands-monarchistes" et autres "secrets" des
voyants...Quelle aurait pu bien être la réaction de Bloy et des
Vintrasiens, 70 ans plus tard, en apprenant que certains nazis avaient
l’intention de remplacer, à la tête de la France, le Maréchal Pétain par
un descendant de Naundorf ?...
Toujours les relations crapuleuses entre le Royaume reniant son
véritable Roi, et le Reich, antithèse de l’Imperium pérenne et
ultimement dévolu à cet Antéchrist dont Hitler fut un précurseur.
Ne confiait-il pas à Hans Grimm, cinq ans avant sa prise de pouvoir :
"Je sais que Quelqu’un doit apparaître, et faire face à notre situation.
J’ai cherché cet homme. Je n’ai pu nulle part le découvrir, et c’est
pour cela que je me suis levé, afin d’accomplir la tâche préparatoire,
seulement la tâche préparatoire urgente, car je sais que je ne suis pas
Celui qui doit venir. Et je sais aussi ce qui me manque. Mais l’Autre
demeure absent, et personne n’est là, et il n’y a plus de temps à
perdre."
Il n’est pas jusqu’aux mystères du Razès – fondement de la géographie
sacrée française et creuset alchimique de la "hiéro-histoire" - qui
n’avait été intégrés de force à la légende noire nazie, par
l’intermédiaire du funambulesque Otto Rahn et de ses prétendues
recherches "graaliques", qui devaient sensiblement équivaloir, par leur
manque de sérieux, à celles qui, au même endroit, ont aujourd’hui pour
objet l’Arche d’Alliance !
Et pourtant, lorsque l’on abandonne les miroirs déformants d’un Luna
Park de cauchemar, pour se confronter à une indicible réalité, on
s’aperçoit que le fil rouge du méridien de Paris, dont certains
voudraient faire le Dragon roux de l’Apocalypse, n’est autre qu’une
figure de l’Arbre de Vie, du Pilier cosmique propre à toutes les
religions, de la Colonne du Milieu de la tradition juive, au bas de
laquelle repose la Pierre Shethiyah, la Pierre fondamentale qui est
aussi la Pierre philosophale à la transmutation de laquelle participent
les maîtres africains du Feu.
L’axe dont nous parlons est aussi, bien sûr, la Lance du Graal,
complétée par la coupe remplie du breuvage d’immortalité, et par la
pierre – toujours la pierre... - dans laquelle elle est taillée, et qui
parfois en synthétise les attributs. C’est encore dans le Shintoïsme, la
lance sacrée, fichée au centre de l’île Onogoro, formée par la
coagulation d’une goutte tombée de cette lance céleste qu’Izanagi et
Izanami – le couple primordial - avaient trempée dans les Eaux et
autour de laquelle leurs circumambulations propitiatoires donnèrent
naissance aux êtres et aux mondes.
C’est enfin, chez les Indiens d’Amérique du Nord, l’Arbre sacré de la
"danse du soleil" sacrificielle, pendant laquelle les participants
offrent au Grand Esprit leur corps et leur âme pour l’ensemble des
hommes.
Création à l’Extrême Orient, rédemption à l’Extrême Occident. Au milieu,
là où se croisent les "quatre sentiers du mystère", le Précurseur, le
515, réunira pour les offrir au Christ glorieux "les nombreux peuples
qui se tiennent toujours debout".
Telle est la véritable mission de la France, et l’heure est venue de
comprendre le message de Pontmain, dont les 70 signes constituent ce
décuple septénaire si fréquent dans la Bible, et dont saint Augustin
nous rappelle qu’il implique l’idée de totalisation et d’achèvement d’un
cycle.
Il indique également l’universalité, comme dans le chapitre 10 de la
Genèse où sont énumérés les 70 peuples de la terre dispersés après
l’épisode de la tour de Babel, et qui furent à Pontmain symboliquement
représentés par les 70 pauvres rassemblés qui crurent sans avoir vu,
priant face au ciel nocturne sur lequel le soleil de minuit, le Sol
Invictus ornant la banderole de l’apparition, abolissait virtuellement
le temps pour éclairer déjà l’éternité.
Origenius
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