[Le Général, qui
pendant la guerre avait été très « chargé » sur le plan subtil, en
Angleterre mais aussi en Afrique noire […] fut une préfiguration avortée
(heureusement pour lui !) du Grand Monarque]
[…] Londres, où de Gaulle surgit véritablement sur le devant
de scène, n'était pas précisément le lieu le plus adéquat pour manifester cette
« mission de la France » dont il se croyait tellement l'incarnation. Et dans
son incommensurable orgueil, comment n'eût-il pas souffert de cette situation
humiliante — lui qui se savait l'otage d'un « Appel du 18 juin » truqué
[7] , préparé, voire négocié par des hommes tel Marcel Cachin... De cette
humiliation, le président Georges Pompidou recevrait plus tard la confidence exaspérée
: « Si vous saviez comme je m'en fous du 18 juin, je les emm... avec le 18 juin
[8]. » De ce haut destin qu'il avait pressenti, au service de la France, de
Gaulle, sa vie durant, ne connut que l'ombre portée, et sans doute était-il
trop lucide pour n'en pas subir l'intime déchirement, se revanchant de cette
malédiction par le trop facile mépris et la fascination du paradoxe qui aident
à vivre ceux qui se sont d'abord trahis eux-mêmes. Par une symbolique
aberration, les deux crises — d'inégale dimension certes — qui ponctuèrent sa
vie publique, le menèrent par deux fois à l'étranger (la seconde, en 1968, à
Baden-Baden) pour y chercher les improbables racines de cette légitimité qui le
fuyait.
Beaucoup plus « française » fut l'attitude sacrificielle du
maréchal Pétain qui, nonobstant d'évidentes limitations, ne fut pas indigne
(n'en déplaise à la meute des calomniateurs), de certaines aides, toujours
invisibles, de la Sainte Église. Sur un plan strictement politique, sa mission,
difficile entre toutes, consista, en trompant Hitler, à maintenir en zone libre
et surtout en Afrique du Nord, un potentiel militaire permettant de reprendre
le combat, dans la perspective d'un débarquement américain. Ce qui impliquait
bien sûr la préservation de la légitimité du pouvoir face d'une part aux
tentatives allemandes d'imposer des hommes favorables au Reich — Laval, Déat,
Brinon, Doriot… — et face d'autre part aux Anglais auxquels s'était inféodé de
Gaulle, sans pour autant conquérir leur estime, comme il arrive souvent en
pareil cas...
Selon un choix stratégique qui, après tout, n'était pas sans
analogie avec celui de Rochambeau et de ses inspirateurs, le maréchal Pétain avait
gardé des contacts étroits avec Roosevelt, par l'intermédiaire de l’amiral
Leahy, ambassadeur en France puis chef d'état-major général des armées alliées.
Ce qui explique que le président des États-Unis lui ait écrit, le 15 octobre
1942, cette lettre dont les termes furent jugés beaucoup trop amicaux par
Churchill, qui la « caviarda » :
« … Mon Cher Vieil Ami : Je vous adresse ce message, non pas
en tant que Chef de l'État américain au Chef de la République Française, mais
aussi en tant qu'ami et camarade des grands jours de 1918. Puissions-nous vivre
tous les deux pour voir à nouveau la France victorieuse de son ancien ennemi.
« Lorsque votre gouvernement conclut, par nécessité,
l'armistice de 1940, il était impossible de prévoir le programme de
systématique destruction que le Reich allemand infligerait au peuple français.
Je n'ai pas besoin de vous dire que l'ultime et plus grand objectif est la
libération de la France et de son Empire du joug de l'Axe... [9] »
Deux possibilités s'offraient alors au maréchal :
partir pour l'Afrique du Nord en livrant la France à un Gauleiter, ou, dans la
droite ligne de son choix de 1940, rester pour éviter le pire [10] et tout
mettre en œuvre pour préparer l'accueil des Américains. Churchill lui-même
reconnut ce plan lors de la session secrète des Communes du 10 décembre 1942 :
« … Les
États-Unis considèrent le débarquement en A.F.N. comme une expédition
américaine sous le commandement suprême du Président des États-Unis... Jusqu'au
dernier moment les Américains ont entretenu des relations avec Vichy. L'amiral
Leahy a été ambassadeur à Vichy. Il vivait en étroite intimité avec le
maréchal...
« ... C'est conformément aux ordres et sous l'autorité du
maréchal Pétain, transmis ou déclarés transmis par lui, que les troupes
françaises d'A.F.N. ont pointé leurs fusils contre les Allemands et les
Italiens, au lieu de continuer à faire feu sur les Anglais et les Américains...
»
La riposte allemande confirma sans équivoque l'action du maréchal,
par l'occupation de la zone libre dès le lendemain. Le gouvernement de Vichy
parvint néanmoins à sauvegarder six régiments de gardes mobiles (dont les
effectifs furent doublés clandestinement).
Le plan de Pétain fut anéanti par les Allemands, qui le 20
août 1944 l'emmenèrent en captivité à Belfort puis à Sigmaringen, tandis que,
par une remarquable synchronicité, le général Brécard, Grand Chancelier de la
Légion d'Honneur et deuxième personnage de l’Etat, à qui le maréchal avait
délégué ses pouvoirs pour prendre contact avec les Alliés et décréter la mobilisation
générale de l'armée d'armistice, fut enlevé clandestinement par des éléments de
la « Résistance ». Le maréchal était d'autant plus gênant pour certaines
puissances qui, derrière le paravent gaulliste, entendaient bien gérer
l'après-guerre selon leurs ténébreux intérêts, que de Gaulle, justement, était
hautement suspect à Roosevelt, dont la correspondance secrète avec Churchill
est sans pitié pour le « mythe gaulliste ». En voici un édifiant florilège [11] :
Le 8 mai 1943 : « [...] De Gaulle se sert indiscutablement
de sa vicieuse équipe de propagande à Alger pour réveiller la querelle entre
Arabes et Juifs. Il emploie des groupes d'agitateurs pour fomenter des
démonstrations hostiles et même des émeutes.
« [...] S'ils [les Français] savaient seulement ce que vous
et moi savons de De Gaulle lui-même, ils resteraient sans doute fidèles au
Mouvement, mais pas à son chef actuel à Londres. »
Le 17 juin 1943 : «
J'en ai par-dessus la tête de De Gaulle : les machinations personnelles de ce
Comité [le Comité de Libération Nationale] montrent qu'il n'y a aucune
possibilité pour nous de travailler avec De Gaulle. »
« […] Nous devons divorcer de De Gaulle parce que, premièrement,
il a prouvé qu'il était déloyal, indigne de confiance et non coopératif avec
nos deux gouvernements. Deuxièmement, plus récemment, il a été beaucoup plus
intéressé par les machinations politiques qu'il ne l'a été dans la poursuite de
la guerre ; et ces machinations ont été poursuivies sans que nous le sachions
et au détriment de nos intérêts militaires. Un des résultats de ces
machinations de la part de De Gaulle a été qu'Eisenhower a dû consacrer la
moitié de son temps à résoudre des problèmes politiques purement locaux que De
Gaulle avait aggravés. La guerre est si urgente et nos opérations militaires si
sérieuses et si lourdes de dangers que nous ne pouvons les laisser plus
longtemps menacer par De Gaulle. »
Le 12 mai 1944 : « Je n'ai pas d'objection à ce que
vous invitiez De Gaulle et d'autres membres du Comité Français à discuter votre
association militaire et politique. Toutefois, vous devez considérer que, pour
notre sécurité militaire, vous aurez à garder De Gaulle en Angleterre jusqu’à
ce que le débarquement ait été effectué.
»
Tout cela en dit long sur la crainte d’une trahison de la
part du général, dont l’attitude chaotique et purement négative apparaît
curieusement comme le reflet inversé de celle du maréchal Pétain. La fidélité
de ce dernier à sa mission fut confirmée à son procès par l'amiral Leahy, dans
un témoignage unanimement occulté. (Une première lettre du maréchal à l'amiral
fut volée, et la seconde ne parvint à bon port qu'en utilisant des voies
détournées !) Voici quelques extraits de ce témoignage, non moins significatif
que les lettres de Roosevelt [12] :
« ... Au long de cette période, j'ai tenu en haute
considération votre amitié personnelle et votre dévotion à la survie du peuple
français. Vous m'avez souvent exprimé votre espoir de voir anéantir les
envahisseurs nazis... Vous avez à diverses occasions et sur ma demande agi en
opposition aux désirs de l'Axe et favorablement à la cause des Alliés. Chaque
fois que vous n'avez pu donner suite aux recommandations de vous opposer aux
puissances de l'Axe, par le refus de leurs demandes, la raison alléguée en fut
qu'une position aussi catégorique aurait pour conséquence un surcroît
d'oppression de votre peuple par les envahisseurs... »
Reste la « question juive », qui a bien sûr alimenté
continûment une vindicte hurlante à l'égard du maréchal. La plus élémentaire honnêteté
exige de replacer ce douloureux problème dans son contexte historique, et de
considérer comment les juifs eux-mêmes, sous l'inhumaine pression des nazis,
étaient contraints de «gérer » la déportation de leurs frères. Léon Poliakov
[13] évoque cet « ultime outrage » qui obligea les membres des Conseils juifs
des ghettos à devenir « des rouages de la machinerie qui conduisit des Juifs à
Auschwitz ou à Belzec ». Raul Hilberg [14] écrit de son côté : « Sans cesse,
ils livraient des Juifs pour sauver les autres Juifs [...] La veille des
premières déportations Merin [15] prit sa première décision : "Je ne
craindrai pas, déclara-t-il, de sacrifier 50 000 membres de notre communauté
pour sauver les 50 000 autres". Durant l'été 1942, ces "autres"
furent alignés pour un passage en revue massif et la moitié envoyée à
Auschwitz. Après cette déportation, Merin déclara : "J'ai l'impression
d'être le capitaine d'un bateau prêt à sombrer et qui a réussi à le mener à bon
port en jetant par-dessus bord une grande partie de sa précieuse
cargaison". En 1943, il ne restait qu'une poignée de survivants. Merin
s'adressa à eux en ces termes : "Je suis dans une cage, devant un tigre
affamé et furieux. Je bourre sa gueule de nourriture, la chair de mes frères et
de mes sœurs, pour le maintenir dans cette cage, de crainte qu'il ne s'échappe
et ne nous mette en pièces". »
Les autorités de Vichy furent soumises aux mêmes
contraintes, formulées sans ambiguïté par le général Karl Oberg, chef des SS et
de la police en France de 1942 à 1944 [16], qui déclara à Laval : « Le
problème juif n'a pas de frontières pour nous. La police [française] doit nous
aider, sinon nous procéderons aux arrestations sans faire de distinction entre
les juifs français et les autres [17]. » Selon lui, la destination des
déportés était la Pologne, où devait être créé un « État juif ». On
n'avait d'ailleurs pas attendu les Allemands pour envisager une solution «
pré-sioniste » puisque, en décembre 1938, Georges Bonnet, ministre des Affaires
étrangères, faisait savoir à Ribbentrop que la France ne souhaitait plus
accueillir les juifs fuyant l'Allemagne. Elle pensait même en envoyer 10 000 à
Madagascar. Plan qui fut repris après la défaite de 1940, la Grande Ile, selon
ses concepteurs, devenant possession du Reich, qui y créerait une réserve
juive... Tous les pays occidentaux se montraient, avant la guerre, fort réticents
à accueillir les victimes de la persécution nazie, le gouvernement fédéral
helvétique déclarant par exemple le 10 août 1938 que la Suisse était résolument
opposée à la judaïsation du pays ; attitude qui se concrétisa à partir du 5
octobre de cette même année sous la forme d'un grand J à l'encre rouge tamponné
sur les passeports des juifs... Les juifs français eux-mêmes, comme le rappelle
entre autres Raymond Aron dans ses Mémoires,
étaient fort hostiles aux juifs allemands (« ils étaient des boches ») arrivés
après 1933, et, en 1941 encore, Marc Bloch [18] n'hésitait pas à écrire, à
propos des juifs étrangers : « Leur cause n'est pas exactement la nôtre. Nous
avons le droit de le dire puisque c'est vrai. »
Cet état d'esprit perdurera jusqu'à Drancy, selon des
témoignages cités par François-Georges Dreyfus dans son objective Histoire de Vichy [19] :
« Il est certain que tel ou tel témoignage des juifs
rescapés de Drancy éclaire cette situation : "les juifs français
n'étaient pas solidaires de nous. Ils nous ont considérés comme des juifs
inférieurs et ils disaient à qui voulait les entendre que nous étions la cause
de leurs malheurs", ou cet autre plus sévère encore : "J'ai vu
des gens xénophobes dans tous les pays mais la xénophobie pure à l'état de passion
et n’admettant aucune exclusion, je ne l'ai trouvée
que là-bas (à Drancy)." Après tout, cette phrase que cite Denise Aimé [20] reflète bien ce que pensent en 1940-1941 les juifs français (et que confirme le début
du Camp de la mort lente de Jean-Jacques
Bernard, le fils de Tristan) : "Les Allemands n'en veulent qu'aux juifs
étrangers. Ils ne toucheront jamais aux Anciens Combattants. D'ailleurs Vichy
nous protégera." »
De fait, comme
l'écrit encore F.-G. Dreyfus, Xavier Vallat, commissaire général aux Affaires
juives, « précisait qu'il n'était pas question de mettre sur le même plan des
vieilles familles juives, celles originaires du Comtat, de Bayonne et de
Bordeaux, d'Alsace et de Lorraine, françaises dès avant la Révolution, qu'il
considérait comme assimilées, les familles arrivées au XIXe siècle et dont
certains membres ont combattu dans l'armée française, et les juifs d'Europe
orientale venus après 1914 de Pologne, de Roumanie ou d'Allemagne. [...] Pour
Xavier Vallat le problème juif se ramenait au cas des juifs étrangers résidant
en France et non encore assimilés. »
Cette attitude se traduisit dans les faits puisque, lors du
procès de Xavier Vallat, un juif, le docteur Nora, vint témoigner en ces termes
[21] :
« Xavier Vallat se considérait certainement comme obligé de
défendre les Français israélites et, en particulier, les anciens combattants
qui, pour lui, ne devaient pas être dissociés de la collectivité française. Par
lui, j'ai pu connaître la date de certaines grandes rafles et, en particulier,
celle du 16 juillet 1942 [22], indiscrétion voulue par lui et qui nous permit
de sauver environ 10 000 israélites. L'ordre allemand était l'arrestation de 25
000 juifs. Douze à treize mille seulement furent arrêtés [23].»
Il importe en outre
d'ajouter, avec F.G. Dreyfus, que « les idées défendues par Xavier Vallat ne
sont pas propres à Vichy, mais qu'elles existent aussi parmi les adversaires
des Allemands et du gouvernement de Vichy. » C'est ainsi qu'au début de 1943, «
l'École des cadres d'Uriage [qui nous rapproche beaucoup de l'"Ordre"
gaulliste étudié plus haut...] ayant été dissoute, ses animateurs parmi
lesquels le capitaine Dunoyer de Segonzac, Hubert Beuve-Méry, le futur
directeur du Monde, et de nombreux
intellectuels qui vont jouer un rôle important dans la France libérée tels
Joffre Dumazédier, Gilles Ferry, Bertrand d'Astorg créent l'Ordre d' Uriage . Or nul ne peut en faire partie s'il est juif ou
franc-maçon. »
Le manifeste – qui là encore en évoque un autre… - est très
clair :
« Il n y a aucune opposition à ce que des clercs
"pasteurs ou prêtres" fassent partie de l'Ordre ou soient admis comme
novices. Il est seulement recommandé d'en admettre un nombre restreint de façon
à éviter de donner à notre action une allure cléricale. De la même façon les
femmes sont admises [...] Mais qu'on prenne garde à leur habituel manque de
discrétion. […] Se protéger rigoureusement contre les francs-maçons en évitant
actuellement une attitude hostile à leur égard. Du moins doit-on veiller absolument
à ce qu'aucun d'eux ne s'introduise dans l'Ordre. De la même façon les
israélites ne sont pas admis comme membres de l'Ordre, non plus que comme
novices. Si nous sommes résolument hostiles à l'antisémitisme, surtout tel
qu'il est pratiqué depuis l'armistice, nous ne devons pas sous-estimer le
danger d'une revanche juive ni méconnaître l'existence d'une internationale
juive dont les intérêts sont opposés à ceux de la France. Notre attitude
actuelle reste dans le cadre d'une aide aux israélites opprimés sans
contrepartie. »
Ainsi que l'écrit F.G. Dreyfus : « Dès lors que d'éminents
intellectuels de la Résistance dont le rôle va grandissant jusqu'aux années
quatre-vingt (et ils ne sont en définitive qu'une poignée) considèrent que les
juifs et les francs-maçons ne sont pas automatiquement de bons Français,
comment en vouloir au gouvernement de Vichy et à ceux qui le servent ? »
Quant au statut des juifs du 3 octobre 1940, qui pouvait
sembler devancer, non sans indécence, les exigences du vainqueur, il constituait
bien plutôt un contre-feu, face à ce que laissait présager l'ordonnance
allemande du 27 septembre 1940 — qui avait d'ailleurs suscité une note de
protestation du gouvernement français, refusant de laisser l'initiative aux
Allemands en ce domaine. Cela dit, ce statut interdisant aux juifs la fonction
publique (avec des dérogations pour les anciens combattants) et le domaine de l’information
et de la communication, n’en soulevait pas moins un problème rendu inextricable
par l’incompréhension fondamentale de la société moderne à l’égard du judaïsme — incompréhension à laquelle n'avaient pas peu contribué
les juifs détachés
de leur tradition. A la pointe de la « laïcité » depuis plus d'un
siècle, ils semblaient représenter un réel danger pour ce qui restait de «
tissu » chrétien, alors que leur première victime était bel et bien le judaïsme
lui-même, d'abord menacé de l'intérieur par leur propre reniement, et ensuite,
de l'extérieur, par les réactions plus ou moins violentes que suscitait
l'attitude antitraditionnelle et destructrice de ces renégats... mise au compte
du judaïsme lui-même ! Une fois de plus, Satan pouvait se frotter les pattes.
Qu'il nous suffise pour le moment de rappeler que le
judaïsme, plus encore que toute autre tradition, est radicalement étranger à la
notion profane d'État (à commencer bien sûr par l'État juif !) — ce qui rend
tragiquement dérisoire l'attitude des « assimilationnistes » qui se font gloire
par exemple d'être « français d'abord et juif ensuite », reléguant Dieu au
second plan. On nous rétorquera peut-être que notre exemple est
particulièrement mal choisi puisque ce livre se propose précisément de mettre
en lumière le statut « sacral » unique de la France. A quoi nous répondrons une
fois de plus que le fait d'être la nouvelle Terre sainte - réceptacle des
théophanies ultimes -justifie assurément la présence consciente du « petit reste » des juifs fidèles,
mais que cet insigne privilège réservé à notre pays ne concernait nullement
(pour dire le moins !) la IIIe République et pas davantage la IVe ou la Ve… Que
la Divine Providence ait choisi tel lieu pour la Révélation finale de ses
Mystères incite certes à en scruter les raisons, avec une gratitude
proportionnée à la foi de chacun ; mais aux antipodes d'une quelconque
idolâtrie nationaliste. Nous pourrions dire que la qualité véritable de
français est inséparable de la fidélité à la Tradition (juive, chrétienne ou
musulmane) et de la compréhension subséquente des desseins de Dieu dans l'ordre
temporel. Une telle notion est à l'évidence totalement indépendante de la
possession d'un passeport tricolore, et, en 1940 comme en 1992, un vrai juif,
sachant où est la Terre sainte, est incommensurablement plus français que tel «
patriote » qu'il soit défenseur des « idéaux de 1789 » ou d'une « Monarchie
française » édifiant l'Idole étatique sur les décombres de l'ordre féodal. Et
il sera d'autant plus français, ajouterons-nous, qu'il sera moins impliqué dans
une action « temporelle » que la misère des temps soumet inévitablement à
Molocb ou à Mammon. C'est ici, tout au Contraire, que son action de présence manifestera pleinement sa qualité de juif.
Il est inutile de souligner que la
conscience de ces profondes réalités traditionnelles faisait défaut au
maréchal Pétain, qui agissait pourtant (selon des modalités trop évidemment
inacceptables mais inhérentes à un contexte désastreux), comme s'il les eût
confusément perçues...
D'une façon générale, on se doute que les camps en présence
lors de la Seconde Guerre mondiale faisaient trop bien le jeu de la Subversion
pour qu'il fût question de « choisir » entre les deux mâchoires de la tenaille
luciférienne. S'il était évidemment absurde de jouer Hitler contre Staline,
sous le fallacieux prétexte d'un « ordre européen » sinistrement
prémonitoire, ou d'une défense de I'« Occident chrétien » que le Führer
ruinait tout aussi sûrement que le « petit père des peuples », ce n'était
pas témoigner d'une plus grande lucidité que d'attendre le salut des
démocraties anglo-saxonnes ! D'ailleurs, si la barbarie nazie n'eut que
quelques années pour exercer ses ravages, les susdites démocraties — précédées
dans le chaos par leur allié soviétique — ont montré depuis lors tout à loisir quelles «
valeurs » elles défendaient... Entre la camisole de force et le cabinet
capitonné, était-Il vraiment nécessaire de se prononcer ?...
Pour inverser la perspective, il n'en reste pas moins que la
Miséricorde divine se répartit entre les deux camps, et, également sauvés par
leur foi et leur sincérité, tels combattants de la LVF tombés dans les plaines
glacées de Russie, rejoignent ainsi, là où se résolvent toutes les oppositions,
d'autres héros de la Division Leclerc tombés dans les sables brûlants du
désert.
______________________________________
[7] La célèbre formule : La France a perdu une bataille ; elle n’a pas perdu
la guerre », n’a même pas été prononcée par de Gaulle !
[8] Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, éd.
Flammarion.
[9] Cf. Monique et Jean Paillard, Documents secrets pour servir à la réhabilitation du Maréchal Pétain,
éd. du Trident, 1989.
[10] La communauté juive craignait justement de voir Pétain
quitter la France pour Alger, et le Grand Rabbin René Hirschler vint s'informer
à Vichy, où on le rassura.
[11] Cf. Monique et Jean Paillard, op. cit.
[12] Cf. Monique et Jean Paillard, op. cit.
[13] Les juifs et
notre histoire, cité par Jacques le Groignec, Pétain, Gloire et Sacrifice, Nouvelles Éditions Latines, 1991.
[14] La Destruction
des juifs d'Europe, cité par J. le Groignec.
[15] Moses Merin, président du Conseil central des « anciens
» pour la Haute-Silésie.
[16] « Livré à la France en 1945, rappelle J. le Groignec,
il est condamné à mort en 1954, gracié en 1958 et libéré en 1963. »
[17] Raul Hilberg, op.
cit.
[18] L'Etrange Défaite,
cité par J. le Groignec.
[19] Librairie Académique Perrin, 1990.
[20] Relais des
errants, Desclée de Brouwer.
[21] Cf. J. le Groignec, op.
cit.
[22] La tragique rafle du Vel d'Hiv - et alors que Darquier
dit de Pellepoix a, depuis mai 1942, remplacé Xavier Vallat au Commissariat aux
Affaires juives. C'est ce Darquier que le Maréchal Pétain apostropha en ces
termes : « Monsieur le
tortionnaire, j'entends beaucoup trop parler de vous. »
[23] Dans un rapport du 12 février 1943, Knochen, l'adjoint
d'Oberg, accusera Pétain, le clergé et le secrétaire général de la police de «
faire tout ce qu'ils peuvent pour empêcher la déportation des Juifs français ».
Ce même Knochen devait déclarer le 24 avril 1950 : « Le Maréchal Pétain a été
bien vite considéré comme étant en réalité resté un ennemi dangereux pour l'Allemagne.
Tous les rapports de nos services […] reflétaient la même opinion. » Rôthke,
dans un autre rapport du 6 mars 1943, indique que, compte tenu de l'attitude du
Maréchal, « seule la contrainte peut lui permettre de disposer des forces de
police ». (J. le Groignec, op. cit.)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.