La Sainte Église et ses rejetons

Cfcette page

Ces considérations font aussi comprendre comment, au sein d’une même organisation, il peut exister en quelque sorte une double hiérarchie, et ceci plus spécialement dans le cas ou les chefs apparents ne sont pas conscients eux-mêmes du rattachement à un centre spirituel ; il pourra y avoir alors, en dehors de la hiérarchie visible qu’ils constituent, une autre hiérarchie invisible, dont les membres, sans remplir aucune fonction « officielle », seront cependant ceux qui assureront réellement, par leur seule présence, la liaison effective avec ce centre. Ces représentants des centres spirituels, dans les organisations relativement extérieures, n’ont évidemment pas à se faire connaître comme tels, et ils peuvent prendre telle apparence qui convient le mieux à l’action « de présence » qu’ils ont à exercer, que ce soit celle de simples membres de l’organisation s’ils doivent y jouer un rôle fixe et permanent, ou bien, s’il s’agit d’une influence momentanée ou devant se transporter en des points différents, celle de ces mystérieux « voyageurs » dont l’histoire a gardé plus d’un exemple, et dont l’attitude extérieure est souvent choisie de la façon la plus propre à dérouter les investigateurs, qu’il s’agisse d’ailleurs de frapper l’attention pour des raisons spéciales, ou au contraire de passer complètement inaperçus [1]. On peut comprendre également par là ce que furent véritablement ceux qui, sans appartenir eux-mêmes à aucune organisation connue (et nous entendons par là une organisation revêtue de formes extérieurement saisissables), présidèrent dans certains cas à la formation de telles organisations, ou, par la suite, les inspirèrent et les dirigèrent invisiblement ; tel fut notamment, pendant une certaine période [2], le rôle des Rose-Croix dans le monde occidental, et c’est là aussi le vrai sens de ce que la Maçonnerie du XVIIIème siècle désigna sous le nom de « Supérieurs Inconnus ».

____________________________

[1] Pour ce dernier cas, qui échappe forcément aux historiens, mais qui est sans doute le plus fréquent, nous citerons seulement deux exemples typiques, très connus dans la tradition taoïste, et dont on pourrait trouver l’équivalent même en Occident : celui des jongleurs et celui des marchands de chevaux. 

[2] Bien qu’il soit difficile d’apporter ici de grandes précisions, on peut regarder cette période comme s’étendant du XIVe au XVIIe siècle ; on peut donc dire qu’elle correspond à la première partie des temps modernes, et il est dès lors facile de comprendre qu’il s’agissait avant tout d’assurer la conservation de ce qui, dans les connaissances traditionnelles du moyen âge, pouvait être sauvé en dépit des nouvelles conditions du monde occidental.  


(Aperçus sur l'initiation)




Pourtant, ce n’est pas tout encore ; il y a des organisations qui, tout en n’ayant en elles-mêmes qu’un but d’ordre contingent, possèdent cependant un véritable rattachement traditionnel, parce qu’elles procèdent d’organisations initiatiques dont elles ne sont en quelque sorte qu’une émanation, et par lesquelles elles sont dirigées « invisiblement », alors même que leurs chefs apparents y sont entièrement étrangers. Ce cas, comme nous l’avons déjà indiqué, se rencontre en particulier dans les organisations secrètes extrême-orientales : constituées uniquement en vue d’un but spécial, celles-là n’ont généralement qu’une existence temporaire, et elles disparaissent sans laisser de traces dès que leur mission est accomplie ; mais elles représentent en réalité le dernier échelon, et le plus extérieur, d’une hiérarchie s’élevant de proche en proche jusqu’aux organisations initiatiques les plus pures et les plus inaccessibles aux regards du monde profane. Il ne s’agit donc plus aucunement ici d’une dégénérescence des organisations initiatiques, mais bien de formations expressément voulues par celles-ci, sans qu’elles-mêmes descendent à ce niveau contingent et se mêlent à l’action qui s’y exerce, et cela pour des fins qui, naturellement, sont bien différentes de tout ce que peut voir ou supposer un observateur superficiel. Nous rappellerons ce que nous avons déjà dit plus haut à ce sujet, que les plus extérieures de ces organisations peuvent se trouver parfois en opposition et même en lutte les unes avec les autres, et avoir néanmoins une direction ou une inspiration commune, cette direction étant au delà du domaine où s’affirme leur opposition et pour lequel seul elle est valable ; et peut-être ceci trouverait-il aussi son application ailleurs qu’en Extrême-Orient, bien qu’une telle hiérarchisation d’organisations superposées ne se rencontre sans doute nulle part d’une façon aussi nette et aussi complète que dans ce qui relève de la tradition taoïste. On a là des organisations d’un caractère « mixte » en quelque sorte, dont on ne peut dire qu’elles soient proprement initiatiques, mais non plus qu’elle soient simplement profanes, puisque leur rattachement aux organisations supérieures leur confère une participation, fut-elle indirecte et inconsciente, à une tradition dont l’essence est purement initiatique5 ; et quelque chose de cette essence se retrouve toujours dans leurs rites et leurs symboles pour ceux qui savent en pénétrer le sens le plus profond. (Aperçus sur l'initiation)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.