Introduction Générale à l'Étude des Doctrines Hindoues - Conclusion

[...] il nous paraît difficile que l’Occident, par sa mentalité et par l’ensemble de ses tendances, s’éloigne toujours de plus en plus de l’Orient, comme il le fait actuellement, et qu’il ne se produise pas tôt ou tard une réaction qui pourrait, sous certaines conditions, avoir les plus heureux effets ; cela nous paraît même d’autant plus difficile que le domaine dans lequel se développe la civilisation occidentale moderne est, par sa nature propre, le plus limité de tous. De plus, le caractère changeant et instable qui est particulier à la mentalité de l’Occident permet de ne pas désespérer de lui voir prendre, le cas échéant, une direction toute différente et même opposée, de sorte que le remède se trouverait alors dans ce qui est, à nos yeux, la marque même de l’infériorité ; mais ce ne serait vraiment un remède, nous le répétons, que sous certaines conditions, hors desquelles ce pourrait être au contraire un plus grand mal encore en comparaison de l’état actuel. [...]

[...] Nous admettrons qu’il ne soit pas possible de prévoir actuellement les circonstances qui pourront déterminer un changement de direction dans le développement de l’Occident ; mais la possibilité d’un tel changement n’est contestable que pour ceux qui croient que ce développement, dans son sens actuel, constitue un « progrès » absolu. [...]

[...] si l’on considère seulement qu’un développement unilinéaire est forcément soumis à certaines conditions limitatives, qui sont plus étroites lorsque ce développement s’accomplit dans l’ordre matériel qu’en tout autre cas, on peut bien dire que le changement de direction dont nous venons de parler devra, presque sûrement, se produire à un moment donné. Quant à la nature des événements qui y contribueront, il est possible qu’on finisse par s’apercevoir que les choses auxquelles on attache présentement une importance exclusive sont impuissantes à donner les résultats qu’on en attend ; mais cela même supposerait déjà une certaine modification de la mentalité commune, encore que la déception puisse être surtout sentimentale et porter, par exemple, sur la constatation de l’inexistence d’un « progrès moral » parallèle au progrès dit scientifique. En effet, les moyens du changement, s’ils ne viennent d’ailleurs, devront être d’une médiocrité proportionnée à celle de la mentalité sur laquelle ils auront à agir ; mais cette médiocrité ferait plutôt mal augurer de ce qui en résultera. On peut encore supposer que les inventions mécaniques, poussées toujours plus loin, arriveront à un degré où elles apparaîtront comme tellement dangereuses qu’on se verra contraint d’y renoncer, soit par la terreur qu’engendreront peu à peu certains de leurs effets, soit même à la suite d’un cataclysme que nous laisserons à chacun la possibilité de se représenter à son gré. Dans ce cas encore, le mobile du changement serait d’ordre sentimental, mais de cette sentimentalité qui tient de très près au physiologique ; et nous ferons remarquer, sans y insister autrement, que des symptômes se rapportant à l’une et à l’autre des deux possibilités que nous venons d’indiquer se sont déjà produits, bien que dans une faible mesure, du fait des récents événements qui ont troublé l’Europe, mais qui ne sont pas encore assez considérables, quoi qu’on en puisse penser, pour déterminer à cet égard des résultats profonds et durables. D’ailleurs, des changements comme ceux que nous envisageons peuvent s’opérer lentement et graduellement, et demander quelques siècles pour s’accomplir, comme ils peuvent aussi sortir tout à coup de bouleversements rapides et imprévus ; cependant, même dans le premier cas, il est vraisemblable qu’il doit arriver un moment où il y a une rupture plus ou moins brusque, une véritable solution de continuité par rapport à l’état antérieur. [...]


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